Avant de s'en retourner à table, suivant en cela Fiorenza, Venanzio posa une main fraternelle sur l'épaule de Guiliano qui sembla déstabilisé. On sentait une hésitation dans le regard du secrétaire. Cette main posée, il la sentit sincèrement amicale mais quelque chose, au fond de son être, lui intimait l'ordre de se méfier.
- C'était donc cela... Murmura le Vénitien à l'oreille du secrétaire, exhibant un large sourire.
Guiliano se dégagea sèchement, ce qui accrue encore le sourire du Vénitien.
Il s’attablèrent de nouveau et la jeune servante Orsina leur servit l'un des meilleurs prosecco du cru.
- Oh Fiorenza, décidément, vous avez tout pour devenir une digne patricienne de nostre Sérénissime République ! Et de grâce, ma douce amye, n'y voyez point un affront à vostre belle république de Gênes, que je respecte, sinon je ne vous aiderais point, mais véritablement un compliment.
Il lui saisit la main et la porta à sa bouche pour la baiser rapidement et avec tendresse. Puis il se dressa.
- Buvons, mes Amys, à tout ce que nous sommes en train de construire... Et que nostre Seigneur le Christ, dans sa miséricorde, vienne en aide, par notre entremise, à ce peuple en souffrance !.
Se faisant, il dévisagea ses hommes qui semblaient prendre racine dans la torpeur des vapeurs d'alcool et la chaleur du foyer.
- Messieurs, je vous libère pour ce soir. Votre corvée est achevée. Soyez remerciés pour vos bonnes actions de ce jour.
- C'est un plaisir de rester encore un peu à vos côtés, Mon Seigneur, ainsi que d'être votre obligé et si nous... Lança l'un des hommes soudain coupé par le regard sévère de son Maître. Bien, Mon Seigneur, poursuivit-il. Ma Dame, nous avons passé une divine soirée, soyez-en bénie et remerciée. Nous n'abuserons d'avantage pas de votre bonne hospitalité et vous prions d'accepter que nous prenions désormais congé.
Ils exécutèrent une révérence de concert puis se retirèrent, escortés par deux serviteurs.
Le Vénitien regarda alors le jeune Valerio comme il aurait regardé son fils.
- Je crois, mon garçon, fit-il en lui posant une main paternel sur la tête, que cette journée à été suffisamment longue pour toi. Il va te falloir dormir, désormais. Et je crois également que notre bonne servante, fit-il en adressant un sourire à la jeune femme, va se faire un plaisir de t'accompagner à ta chambre.
Le jeune Valerio ne sut que répondre. Il observait la jeune lombarde avec dans le regard un mélange d'espoir et de crainte.
- Allez, mon garçon... Tu as entendu notre bon Seigneur, tu dois maintenant te reposer. J'ai plein d'histoires à te raconter pour t'endormir, tu verras.
- Tu entends, Valerio, notre bonne Amye s'impatiente... Puis il s'approcha de l'enfant... Et je vais te faire une confidence qui restera entre nous... On ne doit jamais faire attendre une Dame qui t'enjoint de la suivre au lit...
La jeune femme sourit et prit le jeune garçon par la main. Il la suivit sans résister.
- Ah... Valerio, j'oubliais, lança le Vénitien. Il m'a semblé que tu étais un digne cavalier, cet après-midi. Alors que dirais-tu si mon fidèle Napoletano devenait tien, dès demains ?
Un éclair traversa le regard de l'enfant qui sembla soudain oublier tous ses problèmes.
- Ce cheval sera tien dès demain... Mais il te faut écouter Dame Orsina et dormir sagement.
L'enfant acquieça avec un grand sourire.
- Un cheval, tu te rends compte Valerio, Mon Seigneur Arimondo vient de faire de toi un chevalier, lança la jeune servante en quittant la pièce.
- Voyez-vous, ma douce Fiorenza, ce jeune garçon, par son courage, est un exemple pour nous tous ! Lança Venanzio en les regardant sortir. Puis son regard toujours souriant s'illumina. Nous voilà seuls.
Il lui servit un verre de Prosecco puis le lui tendit... Se rapprochant d'elle, il fit teinter sa coupe contre la sienne puis la porta à sa bouche en continuant de la fixer.
- Savez-vous ce que j'aime, chez vous, Fiorenza ? C'est votre gentillesse dissimulée sous un léger voile de force... Le tout finement dosé. Votre finesse et votre intelligence forcent mon respect et toutes ces choses, en vous, m'invitent à la bienveillance, sans, foutredieu, que je ne sache trop pour quoi... tout ce que je sais, c'est qu'il m'est fort playsant de me laisser sombrer en ce délicieux abime... Certes, il y a cette beauté qui est vostre apparence première. Une étrange et envoutante beauté... Ce regard bleu et transperçant, capable de passer d'une sorte de tristesse, à de la colère ou au sourire le plus enjoué, voire même au sourire moqueur... oui, ce regard moqueur, là, que j'entrevois présentement... mais sans jamais que l'on puisse le posséder vraiment. Certes, oui, votre beauté... Mais ça, c'est ce que tout le monde voit, Fiorina, et cela ne susciterait, si l'on ne se fixait qu'en cela, qu'une unique et presque vile volonté de possession. Passé ce sentiment, à votre observation, et quand on aime à vous mieux connaître, il apparait alors un esprit brillant. L'esprit de l'humanisme, sans doute. L'esprit d'une femme admirable. Et voyez-vous, malgré toute l'aversion que votre père suscite en moi, en cet instant, je ne puis le détester vraiment... parce que, paradoxalement, il vous a donné la vie.
Il lui caressa tendrement la joue... poursuivit sur son cou pour finir sur son sein.
- Bien jolie étoffe pour une bien plus jolie peau encore... Je suis certain que vous avez longuement songé au cunnilingus depuis Insula... Lança-t-il dans un éclat de rire, tout en se relevant. Évidemment, ma douce Fiorenza, je plaisante... Aussi veuillez excusez mes frasques de... diable en collerette...
Il se plaça derrière elle et lui massa délicatement le cou.
- Alors Ma Dame... vous attendez de moi, je crois, que j'intervienne dans la restitution de vos possessions en nostre cité... Ma question sera donc : comment puis-je vous aider à... devenir Vénitienne ?
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