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 Sujet du message: De la révolte d'Urbino : sur les terres de Fiorenza...
MessagePublié: Mars 2nd, 2013, 3:23 am 
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<--- Précédent.

Ils avaient galopé une bonne partie de cette fin d'après-midi et toutes la soirée, face au vent et à la neige, pour parcourir la vieille voie romaine d'une cinquantaine de kilomètres qui liait la ville d'Urbino au domaine de Fiorenza Della Rovere. Ils n'avaient mis pied à terre que par deux fois, pour soulager leurs vessies, faire boire les chevaux et se caler quelques solides tranches de Polenta con osei, dans la panse. A bien y réfléchir, la traversée d'Urbino en guerre leur avait semblé plus facile à affronter que cette route chaotique et torturée par les éléments.

Valerio était resté prostré durant tout ce voyage. L'enfant, on pouvait le comprendre, était perdu et demeurait silencieux. Il ne paraissait pas effrayé mais son regard, plein de tant d'horreurs accumulées, semblait lointain et absent. Le chagrin énorme suscitée par tout ce qu'il venait de perdre et la terrifiante peur de ce qui l'attendait, le plongeaient dans une sorte de comas éveillé. Il semblait résigné à faire tout ce qu'on lui demandait de faire. Il était sage et terriblement courageux, dans ce malheur. Sans doute était-il conscient que ces hommes de Venise ne pouvaient lui faire endurer pire épreuve que celle qu'il venait de vivre.

Venanzio avait tenté d'établir le dialogue mais l'urgence de la situation n'avait pas vraiment fait de lui un grand diplomate et encore moins un grand précepteur. Ce qui lui importait, à cet instant, c'était de mettre cet enfant à l'abri. Il avait tout juste réussi à savoir que ce jeune garçon se nommait Valerio, qu'il n'avait plus sa mère depuis longtemps... Quant à son père, tous les deux l'avaient vu mourir sous leurs yeux et il lui avait semblé inutile d'aborder ce sujet. Néanmoins le Vénitien parvint à le traiter avec une paternelle bienveillance, tentant tant bien que mal de le rassurer sur le sort meilleur qui l'attendrait, une fois arrivés à bon port.

- Je sais que c'est dure. J'ai vécu de telles choses aussi à ton âge. Crois-moi, tu auras ce soir un lit douillet, de quoi manger, des amis et tu deviendras ce que tu as toujours rêvé de devenir, mon garçon, je t'en fais la promesse. Lui avait répété Venanzio à maintes reprises durant le voyage. A cela, Valerio ne répondait rien. Venanzio n'attendait pas une réponse mais il savait que la vie tenait bien souvent à un objectif, un espoir et un rêve, que sans cela on perdait son âme, on sombrait et on finissait par mourir. Or il n'avait qu'une peur, sentir la mort envahir l'âme de cet enfant. Et puis Venanzio savait qu'il avait la force et les moyens de tenir sa promesse...

Face à cet enfant, et dans le silence de l'action, à ces instants où l'on affronte les éléments, seul, en soi, et avec pour unique rempart son corps à l'effort, Venanzio avait beaucoup pensé à son fils Pietro-Luigi.

La nuit était tombée et les six cavaliers vénitiens encadraient leur maître, torche en main. Le dernier col à franchir leur sembla plus difficile qu'un pic des Dolomites, d'autant qu'ils apercevaient, au loin, les lumières du Domaine de Fiorenza Della Rovere. Cette proximité rendait ce dernier effort bien éprouvant.

C'est au pas que la petite troupe s'avança aux portes du domaine. Depuis la muraille, quelques hommes en armes hurlèrent de concert un "Qui-va-là". Le vénitien ne put s'empêcher de sourire en observant quelques un de ses propres lanciers parmi ces soldats, désormais tous unis sous la bannière Della Rovere.

- Finirais-je en Empereur Romain, tué par les miens ? répondit Venanzio.

- Seigneur Arimondo ? Hésita l'un de ses hommes.

- Je ne pense pas avoir été nommé Pape depuis que je vous ai envoyé ici, lança Venanzio.

- Qui que vous soyez, Messieurs, vous devez mettre pied à terre et déposer toute arme ! Reprit fièrement l'un des hommes de Fiorenza.

Ils s'exécutèrent.

- Dois-je également déposer mes habits pour paraitre face à votre Maitresse, Messieurs ? Croyez bien que cela me ravirait au plus haut point... Néanmoins, si nous pouvions faire cela au chaud, dans sa chambre, je ne vous cache pas que cela me serait bien plus plaisant, par ce temps.

Ils remarquèrent un mouvement sur la muraille et Venanzio crut reconnaitre ce bon Guilliano.

- Mon amy ! Cria-t-il. Seigneur Arimondo, pour vous servir... Je vous supplie de bien vouloir nous laissez entrer car nous sommes attendus par Dame Fiorenza et nous ne voudrions pas la faire attendre... J'ai également pour vous Guilliano, un pli privé de mon bon secrétaire. Je sais que depuis vos doux échanges, à Insula, vous mourrez d'envie d'avoir de ses nouvelles... Et bien, Mon Sieur, soyez heureux, je vous en apporte. et les ayant lu, ne pouvant réfréner ma maladive curiosité, je puis vous assurer que vostre nuit sera des plus agréables... et des plus chaudes...

Un sourire barrait le visage du Vénitien quand il entendit le secrétaire maugréer. Puis la vaste porte commença à s'ouvrir dans un bruit de grincements et de poulies.

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 Sujet du message: Re: De la révolte d'Urbino : sur les terres de Fiorenza...
MessagePublié: Mars 2nd, 2013, 4:46 pm 
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Ce furent le remue-ménage des soldats et leurs cris d'alerte qui poussèrent le secrétaire génois à se rendre sur le chemin de ronde pour connaître la raison d'une telle alarme.
Tout près, les affrontements faisaient rage à Urbino. La milice entière du domaine était sur le pied de guerre, et la tension présente chez chacun des hommes réduisait leur degré de tolérance.

Giuliano écarta deux gardes pour se présenter aux arrivants. Il ne lui fallut guère longtemps pour reconnaître cette voix masculine à l'accent vénitien. Ce tristement familier patricien ennemi jouait, comme à son habitude, la carte de la provocation, n'hésitant pas à compromettre les vertus de sa maîtresse.
Lorsque celui-ci s'adressa à lui, le secrétaire retint une grimace rageuse mais parvint à contenir l'aversion qu'il avait pour cet homme, dont le rang était hélas supérieur au sien.

Je ne suis pas votre "amy", signore Arimondo. Je pourrais, sans sommation, vous ordonner de quitter les lieux sur le champ. Cependant, je dois reconnaître que les nombreuses troupes que vous avez envoyé, sans compter les navires guerriers et marchands, nous ont considérablement aidé à développer la puissance militaire du domaine.
Si vous êtes un ennemi de notre nation, vous n'en arborez pas la moindre couleur ici.


S'adressant aux soldats, il haussa le ton.

Faites-les entrer !

Il descendit alors les escaliers, maugréant un "Que le diable m'emporte" et se présenta face au vénitien.

Vous trouverez Fiorenza dans la grand-salle du domaine. Sauf votre respect, sachez que je supporte mal que vous parliez d'elle ainsi devant "nos" hommes.

Il baissa alors les yeux sur le jeune garçon.

Qui est-ce?

Un messager, qui avait assisté à la scène, se hâta de courir au domaine pour avertir la maîtresse des lieux. Quand il la trouva, elle était en train de lire près du feu de la grande cheminée, vêtue d'une robe en velours bleu.

Signora ! Le signore Venanzio Arimondo est arrivé, accompagné d'une escorte ! Il a un enfant avec lui !

La jeune femme se leva, refermant immédiatement son ouvrage.

Maintenant? Avec un enfant?
Servitori !


Elle tapa dans ses mains et une dizaine d'hommes et de femmes se présentèrent en moins d'une minute.

Un seigneur vient de mettre pied sur notre domaine. Préparez-lui à manger, et transmettez l'ordre à la cantine de l'école militaire. Vous, préparez deux nouvelles chambres ainsi que de quoi se laver ! Allez, dépêchez-vous !

Tous se dispersèrent et la comtesse s'activa elle-même avant l'arrivée de ses hôtes.

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 Sujet du message: Re: De la révolte d'Urbino : sur les terres de Fiorenza...
MessagePublié: Mars 10th, 2013, 3:20 pm 
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Face à la mine renfrognée de Guiliano, le Vénitien fit de grands efforts pour contenir son sourire. Il saisit alors toute la force qui demeurait en lui, après ce long voyage, et il serra le secrétaire dans ses bras.

- Mon Amy ! Je vous remercie de nous accorder ainsi l'hospitalité... Dion... Dieu vous le rendra ! Et d'ailleurs... Fit-il en posant fermement un pli cacheté dans la main du secretaire... Et d'ailleurs, ôh ! Regardez ! Il vous le rend déjà...

Guiliano affichait sur son visage une expression mêlant profond dégoût, insondable haine, frustration de ne pouvoir répondre aux provocations du Vénitien comme il l'aurait souhaité, et retenue contrainte.

- Cet Enfant... Oui... Cet enfant est un signe des volontés du Grand Architecte, Monsieur. C'est le symbole de ce pour quoi votre Maîtresse se bat... Votre Maîtresse, femme admirable, fit-il en haussant le ton afin que les soldats entendent au mieux, femme que je respecte au plus haut point, sinon, Mon cher Guiliano, croyez bien que je ne serai point ici, en cette rustre campagne des Marches, par ce froid mordant, mais bien confortablement installé dans le Palazzo que je possède en la plus civilisée des citées de ce vaste Monde... VENISE.

Ils furent invités à entrer dans l'enceinte du domaine et sitôt fait, une jeune servante accourut. Elle était jeune, jolie et blonde. Elle ressemblait, avec ses formes généreuses, à ces dame du peuple qu'aimaient peindre les artistes flamands. Son accent trahissait ses origines lombarde et cela fit sourire le Vénitien.

- Messieurs, fit l'accorte jeune femme, en bousculant Guiliano, ne laissant aucun doute sur la façon dont elle considérait l'austère secrétaire, Ma Dame Ma Maîtresse vous enjoint de me suivre dans la Grand Salle du château, où un bon repas vous attend... Nous vous avons fait préparer deux chambres, une pour vous, Mon Seigneur, et une pour vos hommes... Lança-t-elle, hésitante, à la vue de l'enfant.

- Je crains, Ma bonne Amye qu'il ne manquât une chambre... Cependant ne vous formalisez point ! Je serais prêt à laisser la mienne à l'enfant, si seulement vous concédiez à me recevoir en la vôstre, chère et divine Demoiselle... Lança le vénitien, tout sourire, et en caressant le ruban de sa coiffe.

La jeune servante hésita puis elle éclata de rire...

- Je vois, Mon Seigneur, que votre réputation n'est point usurpée... Je laisserai cependant à Ma Maîtresse le soin de bien vouloir en décider, si vous voulez bien... et je pense qu'une troisième chambre ne sera pas si difficile à trouver. Maintenant, si vous voulez bien me suivre, Messieurs, un bon repas vous attend. Ma Dame se joindra à vous pour le dessert.

- Et quel dessert, en effet ! S'écria Venanzio.

Il rejoignirent la grande salle à manger et la chaleur qui se dégageait de l'immense cheminée de pierre, tranchant avec la froideur du dehors, leur enflamma immédiatement les joues. Deux serviteurs s'activèrent pour les débarrasser de leurs manteaux et autres armes et plastrons, puis ils prirent place autour d'une grande table de bois. Sur la cheminée, le blason des Della Rovere les toisait de toute sa superbe.

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 Sujet du message: Re: De la révolte d'Urbino : sur les terres de Fiorenza...
MessagePublié: Mars 10th, 2013, 4:23 pm 
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Cuissots de gibiers, cygnes, paons aux petits légumes, pommes, raisins, poires, sauces sucrés, vins blancs ou rouges du Piémont et des Marches...
Le Vénitien et son escorte ne manquaient de rien ce soir-là. Le dîner n'était sans doute pas digne de la table du duc d'Urbino mais il y avait ici des mets raffinés que l'on ne trouvait guère sur toutes les tablées aristocratiques.
Quant à Valerio, c'était la première fois qu'il voyait et goûtait à pareille chose, et malgré le traumatisme qu'il vivait, il trouvait dans le goût des plats et près du feu, un peu de réconfort.

Le repas dura environ une heure, puis des serviteurs s'activèrent pour débarrasser la table, afin d'y amener les première pièces de dessert. Il y avait des fruits, bien sûr, débordant généreusement des coupes, mais aussi des pâtisseries et des douceurs qui ne pouvaient que raviver la gourmandise des plus repus.
C'est au milieu de ce nouveau cortège qu'apparu Fiorenza, portant dans ses mains un large gâteau aux amandes et aux fruits confits.
Elle avisa les invités présents et son regard s'attarda plus longuement sur Venanzio et le jeune garçon qui l'accompagnait.
Avec un sourire, elle s'avança, et déposa la pièce devant eux.


Signore, messieurs, ragazzo ! Soyez les bienvenus en ma modeste demeure ! J'espère que notre hospitalité vous est agréable en ce jour difficile.

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 Sujet du message: Re: De la révolte d'Urbino : sur les terres de Fiorenza...
MessagePublié: Mars 10th, 2013, 9:47 pm 
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Le silence s'était fait à l'entrée de Dame Fiorenza. La Maîtresse de ces lieux imposait une aristocratique solennité qui rompait avec la rusticité du chateau. Le Vénitien se leva et ses hommes l'imitèrent en inclinant la tête.

- Signora, fit Venanzio, exécutant une révérence, vous êtes plus belle encore que dans mes souvenirs... et cependant, croyez-bien, ma chère Fiorina, que je les ai entretenus chaque jour, chaque nuit, depuis Insula, ces souvenir... Jusque dans mes rêves... et soyez assurée que certain d'entre eux étaient des plus fous...

Venanzio n'en laissait rien paraitre mais il avait été émus par l'attention de Fiorenza et ce petit présent, sous la forme d'un gâteau que le jeune enfant mangeait déjà des yeux, ajouta encore un tribut à l'estime qu'il lui portait. Cette petite attention la rendait soudain très réelle et il aimait cette réalité qu'elle venait de distiller.

Il prit délicatement la main de la Dame et la porta à sa bouche.

- Fiora, permettez moi de vous présenter le jeune Valerio Ferrini. Je crois qu'il a déjà goûté à votre gâteau par le regard et c'est fort bien belle chose, ne trouvez-vous pas ? Valerio a besoin d'un avenir. Et je crois que vous... nous pourrons aisément faire d'avantage que de lui en promettre un... Valerio deviendra ce qu'il doit devenir... Et si c'est un architecte, croyez-bien que j'en serai fort ravi. Voilà, Madame, pourquoi nous nous battons. Voilà pourquoi j'ai choisi en mon âme et conscience de vous porter une assistance sans faille. Voilà aussi ce qui fait que quelque soit l'issue de notre lutte, elle vaudra toujours la peine d'avoir été vécue. Quand nous serons jugés, tout là haut, et je l'espère le plus tard possible, ce combat là fera peser la balance en notre faveur, n'en doutons point.

Il la saisit délicatement par le bras afin de l'entrainer un peu à l'écart, près d'une vaste fenêtre par laquelle on pouvait contempler une partie du domaine. La neige et la pleine lune donnaient un aspect onirique à ce paysage. Il se rapprocha d'elle, pendant que Valerio et ses hommes s'attablaient à nouveau.

- J'ose espérer, fit-il à voix basse, que mes hommes se montrent dignes de votre domaine... N'hésitez surtout pas à me faire part de tout comportement qui pourrait vous choquer. Vous savez, ce sont de très bons soldats mais ils demeurent néanmoins des soldats...

Un bijou serti d'une pierre précieuse, qui brillait dans les cheveux de la princesse, attira son regard. Il l'effleura fugacement en souriant.

- Vous êtes Dame de goût, en plus d'être Dame d'intelligence, Fiorina, fit-il avant d'enchaîner. Pour les avoir vues à l'oeuvre, cet après-midi, je crois que nous ne devons pas sous-estimer les forces de Monsieur Votre père... Aussi, toute cette affaire nécessite la plus grande discrétion, mais nécessite également que nous nous tenions prêt à affronter un siège... Je ne pense pas que votre père vous soupçonnera au point de faire assiéger votre domaine mais croyez bien que si tel était le cas, je n'hésiterais pas à mobiliser mes 45 galions et à user de ma diplomatie la plus machiavélique pour le faire reculer.

Jetant son regard par la fenêtre, il caressa le tissu velouté de sa robe, au niveau de son sein droit.

- Doux. Velouté. Tendre. Oui, c'est là une bien charmante et bien fine étoffe. Ne serait-elle point de facture vénitienne ? En tout cas, ma chère Fiorina, vous la portez à ravir... Mais... Je suis persuadé que l'enlever doit être aussi agréable que de la porter... Me Trompé-je ? Lança-t-il, en tentant de demeurer sérieux...

La jeune servante Lombarde qui était venue les accueillir fit soudain irruption dans la grande salle pour apporter le café.

- Quoiqu'il en soit, Ma Dame, vous avez de bien charmantes servantes ! Je suis persuadé que ce séjour sur vos terres va me plaire...

Il afficha un large sourire et lui proposa de se rapprocher de la tablée.

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 Sujet du message: Re: De la révolte d'Urbino : sur les terres de Fiorenza...
MessagePublié: Mars 11th, 2013, 1:10 am 
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Fiorenza sourit en inclinant la tête face aux remerciements et aux compliments du seigneur vénitien. Et naturellement, poète devant l’Éternel, il ne se contentait guère que du bref protocole auquel l'avait habituée les hommes de sa famille. Non, il ouvrait son cœur, point en flatteries mais en toute franchise. Peut être, au-delà des généreux legs militaires, était-ce également la raison pour laquelle la jeune femme se plaisait à le revoir.

Son attention fut plus soutenue lorsque Venanzio lui présenta le garçon. Valerio, un enfant d'Urbino... Si il était ici, la raison était très simple: il n'avait plus de famille. Et sans doute l'avait-il vu se faire massacrer sous ses yeux le jour même...
Une bouffée de colère monta en elle, dirigée contre son père et sa vaine folie de reconquête. Combien avaient-ils été à périr sous les coups de cette répression aveugle en seulement quelques heures?


Je vous remercie seigneur Arimondo, mais je tâche de faire seulement ce qui est juste... souffla-t-elle, émue. Signor Arbini! lança-t-elle au secrétaire qui venait d'entrer dans la grand-salle, l'air morne et perturbé. Approchez !

L'homme s'éxécuta avec une politesse froide, posant son regard rude sur l'assemblée mais évitant soigneusement Venanzio.

Messieurs, cet homme est à mon service spécial depuis de nombreuses années. Il aurait pu se ranger du seul côté de mon père mais il a choisit de soutenir la carrière militaire de mon frère et de croire à ma volonté d'émancipation intellectuelle au sein même d'une société gouvernée par les Pères. Il m'a soutenue sans jamais me trahir et ne s'est pas détourné le jour où j'ai pris la décision de rompre avec l'autorité de mon propre géniteur et maître. En cela je le remercie, car c'est un homme d'honneur dont la vie est sans cesse soumise à des décisions qui mettent sa vie en danger mais qu'il prend en faisant fit des risques.
Ne pas renoncer, c'est aussi le crédo de notre famille, les Della Rovere. Aujourd'hui, mon père a choisit de le faire dans le sang de son peuple, moi, je le ferai contre le régime de sa tyrannie !

Nous poursuivons le même but mais nos voies sont différentes. Je n'ai pas la prétention de le combattre, ses armées et ses partisans sont beaucoup trop nombreux. Mais nous pouvons tâcher de panser les plaies qu'il aura dispersées en plein cœur des Marches. Venanzio, grâce à vous, nous avons des troupes entraînées et une flotte dirigée par un valeureux capitaine. Même si je vous offrait pendant quinze lunes un festin digne d'un roi, cela ne suffirait à vous remercier. Mais je suis heureuse de vous accueillir en mon modeste Domaine pour que nous poursuivions cette lutte ensemble.
Dans les jours et les mois prochains, d'autres survivants de la répression viendront. Nous avons déjà préparé des couches et stocké de la nourriture pour eux...


Elle s'approcha alors de Valerio et s’accroupit à côté de lui pour mieux être à sa taille.

Je vois dans tes yeux ce que tu as traversé. Tu n'es prié pas prié de faire attention à tout ce que je dis, ni de rire ce soir. Cela reviendra avec le temps, je m'en fais le devoir. En attendant, mange, dit-elle avec douceur en lui avançant le gâteau. Et sois le bienvenu ici, dans ton nouveau foyer.

Tous entamaient le dessert quand la jeune femme se sentit doucement entrainée vers une fenêtre plus à l'écart de l'assemblée. A nouveau, elle se trouva tout près de Venanzio et cette relative intimité la troubla. Elle écouta chacun de ses mots et rit légèrement à l'évocation de la flotte qu'il était près à déployer pour lui venir en aide.

Quarante-cinq, je n'en doute pas, vu le nombre de vaisseaux que je vois arriver dans mes eaux ces jours-ci. J'avoue être curieuse de savoir combien en produit quotidiennement votre chantier naval...

Elle reprit, plus sérieusement.

Le secret de notre accord doit être à tout prix préservé. Si mon père l'apprend, je suis morte pour la famille, mais j'ai déjà accepté ce risque. De même, si je suis assiégée, je ne cèderai pas. Je tiendrai...

Et ce petit secret-là? Celui qui concernait des mots tendres et des caresses? Sa main se posa sur la sienne mais elle glissa avant qu'elle ne puisse la repousser.

... jusqu'au bout...

Le déterminisme de ses paroles s'était mué en soupir, alors que sa gorge se soulevait plus rapidement. Elle leva ses yeux vers les siens quand des bruits de pas se rapprochèrent, la faisant sursauter comme une toute jeune fille prise en faute.
La servante qu'elle avait dépêché venait de faire irruption pour apporter le café et le regard que lui porta le vénitien interpella immédiatement la comtesse. Quant au commentaire qui suivit, il acheva de lui faire retrouver ses esprits.
Ah, il le prenait comme ça !


Orsina! lança-t-elle à la demoiselle. Vous servirez à notre seigneur, ainsi qu'à toute la tablée le meilleur Prosecco que nous avons en cave !

Se tournant vers le vénitien, elle lui lança un sourire totalement joueur et fila rejoindre les convives. En quittant l'alcôve, elle se retrouva presque nez à nez avec un Giuliano suspicieux, qui avait probablement épié la conversation.
Comme elle décela une certaine inquiétude chez l'homme, elle posa une main rassurante sur son épaule et un baiser sur sa joue. Le secrétaire ne s'en offusqua pas. Il y avait des étreintes qu'il refusait dans un contexte officiel, d'autres qu'il aimait dans le secret, mais celle-ci avait le goût d'une paternité inconnue.

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 Sujet du message: Re: De la révolte d'Urbino : sur les terres de Fiorenza...
MessagePublié: Mars 11th, 2013, 11:03 pm 
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Avant de s'en retourner à table, suivant en cela Fiorenza, Venanzio posa une main fraternelle sur l'épaule de Guiliano qui sembla déstabilisé. On sentait une hésitation dans le regard du secrétaire. Cette main posée, il la sentit sincèrement amicale mais quelque chose, au fond de son être, lui intimait l'ordre de se méfier.

- C'était donc cela... Murmura le Vénitien à l'oreille du secrétaire, exhibant un large sourire.

Guiliano se dégagea sèchement, ce qui accrue encore le sourire du Vénitien.

Il s’attablèrent de nouveau et la jeune servante Orsina leur servit l'un des meilleurs prosecco du cru.

- Oh Fiorenza, décidément, vous avez tout pour devenir une digne patricienne de nostre Sérénissime République ! Et de grâce, ma douce amye, n'y voyez point un affront à vostre belle république de Gênes, que je respecte, sinon je ne vous aiderais point, mais véritablement un compliment.

Il lui saisit la main et la porta à sa bouche pour la baiser rapidement et avec tendresse. Puis il se dressa.

- Buvons, mes Amys, à tout ce que nous sommes en train de construire... Et que nostre Seigneur le Christ, dans sa miséricorde, vienne en aide, par notre entremise, à ce peuple en souffrance !.

Se faisant, il dévisagea ses hommes qui semblaient prendre racine dans la torpeur des vapeurs d'alcool et la chaleur du foyer.

- Messieurs, je vous libère pour ce soir. Votre corvée est achevée. Soyez remerciés pour vos bonnes actions de ce jour.

- C'est un plaisir de rester encore un peu à vos côtés, Mon Seigneur, ainsi que d'être votre obligé et si nous...
Lança l'un des hommes soudain coupé par le regard sévère de son Maître. Bien, Mon Seigneur, poursuivit-il. Ma Dame, nous avons passé une divine soirée, soyez-en bénie et remerciée. Nous n'abuserons d'avantage pas de votre bonne hospitalité et vous prions d'accepter que nous prenions désormais congé.

Ils exécutèrent une révérence de concert puis se retirèrent, escortés par deux serviteurs.

Le Vénitien regarda alors le jeune Valerio comme il aurait regardé son fils.

- Je crois, mon garçon, fit-il en lui posant une main paternel sur la tête, que cette journée à été suffisamment longue pour toi. Il va te falloir dormir, désormais. Et je crois également que notre bonne servante, fit-il en adressant un sourire à la jeune femme, va se faire un plaisir de t'accompagner à ta chambre.

Le jeune Valerio ne sut que répondre. Il observait la jeune lombarde avec dans le regard un mélange d'espoir et de crainte.

- Allez, mon garçon... Tu as entendu notre bon Seigneur, tu dois maintenant te reposer. J'ai plein d'histoires à te raconter pour t'endormir, tu verras.

- Tu entends, Valerio, notre bonne Amye s'impatiente... Puis il s'approcha de l'enfant... Et je vais te faire une confidence qui restera entre nous... On ne doit jamais faire attendre une Dame qui t'enjoint de la suivre au lit...

La jeune femme sourit et prit le jeune garçon par la main. Il la suivit sans résister.

- Ah... Valerio, j'oubliais, lança le Vénitien. Il m'a semblé que tu étais un digne cavalier, cet après-midi. Alors que dirais-tu si mon fidèle Napoletano devenait tien, dès demains ?

Un éclair traversa le regard de l'enfant qui sembla soudain oublier tous ses problèmes.

- Ce cheval sera tien dès demain... Mais il te faut écouter Dame Orsina et dormir sagement.

L'enfant acquieça avec un grand sourire.

- Un cheval, tu te rends compte Valerio, Mon Seigneur Arimondo vient de faire de toi un chevalier, lança la jeune servante en quittant la pièce.

- Voyez-vous, ma douce Fiorenza, ce jeune garçon, par son courage, est un exemple pour nous tous ! Lança Venanzio en les regardant sortir. Puis son regard toujours souriant s'illumina. Nous voilà seuls.

Il lui servit un verre de Prosecco puis le lui tendit... Se rapprochant d'elle, il fit teinter sa coupe contre la sienne puis la porta à sa bouche en continuant de la fixer.

- Savez-vous ce que j'aime, chez vous, Fiorenza ? C'est votre gentillesse dissimulée sous un léger voile de force... Le tout finement dosé. Votre finesse et votre intelligence forcent mon respect et toutes ces choses, en vous, m'invitent à la bienveillance, sans, foutredieu, que je ne sache trop pour quoi... tout ce que je sais, c'est qu'il m'est fort playsant de me laisser sombrer en ce délicieux abime... Certes, il y a cette beauté qui est vostre apparence première. Une étrange et envoutante beauté... Ce regard bleu et transperçant, capable de passer d'une sorte de tristesse, à de la colère ou au sourire le plus enjoué, voire même au sourire moqueur... oui, ce regard moqueur, là, que j'entrevois présentement... mais sans jamais que l'on puisse le posséder vraiment. Certes, oui, votre beauté... Mais ça, c'est ce que tout le monde voit, Fiorina, et cela ne susciterait, si l'on ne se fixait qu'en cela, qu'une unique et presque vile volonté de possession. Passé ce sentiment, à votre observation, et quand on aime à vous mieux connaître, il apparait alors un esprit brillant. L'esprit de l'humanisme, sans doute. L'esprit d'une femme admirable. Et voyez-vous, malgré toute l'aversion que votre père suscite en moi, en cet instant, je ne puis le détester vraiment... parce que, paradoxalement, il vous a donné la vie.

Il lui caressa tendrement la joue... poursuivit sur son cou pour finir sur son sein.

- Bien jolie étoffe pour une bien plus jolie peau encore... Je suis certain que vous avez longuement songé au cunnilingus depuis Insula... Lança-t-il dans un éclat de rire, tout en se relevant. Évidemment, ma douce Fiorenza, je plaisante... Aussi veuillez excusez mes frasques de... diable en collerette...

Il se plaça derrière elle et lui massa délicatement le cou.

- Alors Ma Dame... vous attendez de moi, je crois, que j'intervienne dans la restitution de vos possessions en nostre cité... Ma question sera donc : comment puis-je vous aider à... devenir Vénitienne ?

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 Sujet du message: Re: De la révolte d'Urbino : sur les terres de Fiorenza...
MessagePublié: Mars 12th, 2013, 1:57 am 
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Fiorenza regarda les hommes du vénitien prendre congé ensemble, sous ordre courtois mais ferme de leur maître. Elle assista ensuite au départ de Valerio a qui elle adressa un nouveau sourire rassurant en réponse à l'anxiété avec laquelle il la fixait. Cela ne suffit guère mais la promesse du don énoncée par Venanzio fut radicale.
Tandis que le garçon disparaissait au bras d'Orsina, la comtesse sentit une nouvelle fois la présence de Giuliano dans son dos.


Êtes-vous certaine de vouloir rester seule avec le vénitien? lui murmura-t-il. Je pourrais rester un moment derrière une porte afin d'intervenir si jamais les choses dégénéraient...

Non Giuliano, dit-elle d'une voix douce. Je n'ai rien à craindre de lui, pas après ce qu'il à fait pour nous.

Le secrétaire hocha la tête mais ne put s'empêcher de lui chuchoter une dernière fois, avant de quitter les lieux à son tour.

Certes, mais n'oubliez pas que la chute d'un puissant duc Della Rovere est du pain bénit pour les intérêts de Venise...

Une ombre fugace passa sur le visage de Fiorenza, ombre qui disparut bien vite face au regard enthousiaste du vénitien. Prenant la coupe qu'il lui offrait, elle trinqua à son tour avec un sourire plus curieux.

C'était très généreux d'offrir votre cheval à ce garçon. Maintenant, je n'ai plus le moindre doute, c'est dans votre nature d'agir de la sorte.

Elle but une gorgée en lui rendant son regard.

Vous avez prit part aux affrontements, reprit-elle plus gravement. Sinon, vous n'auriez pas ramené un enfant d'Urbino dont les yeux sont hantés par la mort. Dites-moi ce que vous avez vu là-bas, j'ai besoin de savoir...

Les derniers mots sonnaient presque comme une supplique. Naturellement, les compliments et courtoises paroles dont il lui fit part l'apaisa et eurent d'autant plus de méritent qu'ils la firent rougir comme ses doigts la firent frémir. La jeune femme aurait souhaité que cela ne se voit guère, mais il avait une telle manière d'être et de s'y prendre avec elle qu'il lui était fort ardu de maintenir une politesse distante propre aux affaires.

J'espère être tout ce que vous dites... Voyez, mon masque tombe avec vous. J'ai l'impression de redevenir une enfant et pourtant, nous sommes deux adultes, de nations ennemis, exerçant un partenariat politique secret à l'ombre d'un pouvoir tyrannique. Vous avez juré de soutenir ma cause et vous avez encouragé mon esprit, comme vous le faites encore. Mais jamais je n'aurai pensé que vous déploieriez autant de moyen pour ce faire ! J'ignore encore beaucoup de choses sur vous et je préfère le découvrir moi-même que de vous demander "Qui êtes-vous donc?". Cependant, si vous êtes aussi bon, d'une générosité sans limites, charmant, gai, humaniste envers vos alliés, c'est que vos ennemis doivent avoir beaucoup à craindre...

Elle le laissa glisser derrière elle et ferma les yeux quand il commença à la masser. Dodelinant de la tête, elle inspira lentement. Il savait parfaitement où appuyer.

Oui, j'y ai songé... J'ai songé à cette affreuse manière que j'avais eu de vous qualifier. Personnellement, j'ai toujours eu quelques difficultés à tenir une telle proximité avec le Diable... tout comme avec Dieu, depuis mon mariage...

Une révélation qu'elle prit plaisir à susurrer, retrouvant goût avec un jeu naturel chez eux.

Je me suis questionnée sur la manière dont je pourrais rembourser vos efforts. Mais, je le sais déjà, vous allez me dire que c'est inutile.
Ces possessions au sein de la Sérénissime appartiennent, comme vous le savez, à mon père. Je ne compte pas attendre sa chute pour agir, ce serait trop long. Mais vous êtes patricien électeur de Venise. Avec votre influence, vos passe-droits et vos connaissances susceptibles de fermer les yeux sur une telle affaire, vous pourriez me faire entrer et obtenir, par faveur, certaines autorisations qui me permettraient de récupérer ces legs familiaux tristement délaissés...
Pour information, j'ai des intérêts commerciaux placés à Gênes. Je pourrais vous en faire bénéficier une fois que vous m'aurez à nouveau aidée dans cette prochaine entreprise délicate... Qu'en dites-vous?

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 Sujet du message: Re: De la révolte d'Urbino : sur les terres de Fiorenza...
MessagePublié: Mars 12th, 2013, 2:30 pm 
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Sa proposition n'aurait laissé de marbre aucun homme d'influence digne de ce nom. Aussi quand elle l'édicta, le Vénitien ne su contenir son enthousiasme. Il lui caressa voluptueusement la nuque et reprit, à voix basse, en se rapprochant de son oreille qu'il effleurait par instant.

- Voilà une proposition qui me sied Ma Dame. Puisque vous n'arriverez jamais à me croire si je vous disais que je fais tout cela parce que la cause me semble digne, et pour rien d'autre, et pour que vous ne vous sentiez en rien redevable de moi, pour que vous ne vous sentiez jamais prisonnière, j'accepte cet échange. De plus, sachez qu'il n'ait rien au monde que j'aime d'avantage que les entreprises délicates... Toute entreprise vénitienne a toujours été en soi une entreprise délicate et folle ! Croyez-vous que Venise fut construite si, à la base, des gens n'avaient été assez fou pour l'imaginer ? Je vous obtiendrai tout cela dès que je serai au Grand Conseil. Vous avez ma parole. Et je serai le plus heureux des hommes lorsque je vous verrai heureuse et épanouie au coeur de vos palazzio redressés... Mais laissons de côté les affaires, pour ce soir, voulez-vous ?

Il lui caressa le bras tout en s'asseyant à ses côtés. Puis saisit une noix, la brisa et l'observa entre ses doigts quelques instants avant de la mettre en bouche.

- Qui je suis donc ? Je suis celui que vous avez devant vous à cet instant. Je crois que tous les autres Venanzio, ceux que je réserve aux vils marchands, aux guerriers sanguinaires, aux pirates, ne sont en réalité qu'une armure...

Les... Vils Pirates... parmi eux, je crois que nous avons une connaissance commune en la personne de ce Croate... ce Qrôh... N'est-ce pas ?
Demanda-t-il en la fixant, tout sourire... Mais vous avez également des gens à nourrir, des domaines à entretenir... Je le sais bien... et je serais bien mal fondé de vous reprocher d'essayer d'exercer vos devoirs au mieu, en tentant de multiplier les opportunités de commerce fructueux, fut-ce avec mes ennemis... Tant que ce n'est pas contre moi que vous le faites, sachez que j'en comprends les raisons... et que vous n'aurez jamais mon jugement... Cependant, si vous voulez un conseil... Ce Qrôh est bien mal en point, en ce moment... Mes armées ont détruit les siennes... Aussi je pense que vous pourriez en profiter pour exiger de lui des prix bien plus attractifs, pour vous affaires... Mais où est-je la tête ?! J'avais demandé que nous cessions de parler affaires pour ce soir...

Bref... ce Venanzio que je réserve à mes ennemis, n'est pas plus réel que l'armure que j'enfile pour le combat. Une armure et une arme à la fois. Mais mes ennemis ne me connaissent pas. C'est d'ailleurs sans doute pour cela que j'arrive à les vaincre...

Vous, par contre, vous voyez, présentement qui je suis véritablement. vous me connaissez. Vous pourriez donc facilement me détruire, vous savez...
Lança-t-il en éclatant de rire. Mais j'ai décidé de m'ouvrir à vous parce que justement, quelque chose me dit que nous ne sommes pas ennemis... Je ne considère pas même Gênes comme mon ennemie, Ma Dame, au risque de vous surprendre ou de vous décevoir... Gênes est une concurrente... c'est bien différent.

Voilà qui je suis, Fiorina. Cet homme fantasque, face à vous. Je ne suis pas issu de la branche la plus riche des Arimondo. Mais au diable la naissance puisque désormais, j'ai su construire ma sphère d'influence. Je rêve d'un monde où l'on pourrait devenir empereur en étant né de la plèbe... Rêve de fou, sans doute... Mais voilà pourquoi, également, je crois que le sort de cet enfant, ce jeune Valerio, m'ait si important... Croyez-bien que tout ce que je suis devenu, que tout ce que j'ai acquis, j'ai du me battre pour l'avoir... Apprendre beaucoup... Accepter les coups... Puis apprendre à en asséner sans culpabilité... Ce que je suis, vous le savez, vous le voyez. Et ce que vous êtes, vous, ce n'est pas dans mon regard, la fille d'un prince d'Italie. C'est une femme belle et intelligente qui d'où qu'elle vienne, saura, je crois, marquer notre monde. Voilà qui nous sommes...


Il s'interrompit et un éclair charmeur fit comme une étincelle dans son regard...

- Je sais que vous avez été mariée... Je sais que ce mariage vous donna un enfant qui malheureusement ne vécu pas. Voyez-vous, il m'a toujours semblé essentiel de connaitre les gens importants de ma vie. Qu'ils fussent ennemis ou amis. N'y voyez pas de curiosité malsaine de ma part. J'avais juste un profond besoin d'en savoir plus sur vous.

Il posa sa main sur la sienne avec une certaine affection.

- Nous avons tous un passé. Mais c'est le présent qui compte vraiment, n'est-ce pas... Et puis... le plus important n'est-il pas que vous soyez aujourd'hui libérée des liens de ce mariage... Un large sourire barrait son visage à ces mots.

- Oui Ma Dame, reprit-il plus sérieusement, ce fut dure, cet après-midi. Votre père et le Saint Siège ont littéralement massacré la population d'Urbino. J'ai vu le père de Valério tué sous mes yeux. J'ai fait d'autres guerres, vous savez... De tels abjections, j'en ai vu, depuis ma naissance... Le drame c'est que l'on parvient presque à s'y habituer... Je ne veux pas me résigner à cette vision fataliste du monde... C'est aussi pourquoi, je vous soutiens. Vous êtes un espoir, pour ce monde, Fiorina. Il faut que vous sachiez également que j'ai tué un homme, cet après-midi. Un soldat de votre père. Voilà aussi ce que je suis.

Comme il n'avait pas envie de la voir sombrer dans une mauvaise mélancolie, il se plaça devant elle, saisit la bouteille de Prosecco, lui en versa une coupe et en remplit la sienne à ras bord si bien qu'il ne put éviter d'en renverser... Une larme de vin coula sur le tissu de la robe de Fiorenza, au niveau de sa cuisse...

- Oh comme je suis maladroit, fit-il avec un air malicieux... Il va falloir que je nettoie cela désormais... Laissez moi faire, je tiens à réparer cela et me faire pardonner...

Il plongea délicatement et lentement sa main sous sa robe.

- N'ayez crainte. Je ne vous ferai rien de mal, Fiorina. J'ai une méthode imparable pour nettoyer les taches de Prosecco, faites moi confiance...

Il remonta en effleurant sa cuisse jusqu'à la tache, tout en la fixant droit dans les yeux. Puis il saisit une serviette de son autre main et essuya la tache. Quant il en eut terminé, il retira sa main puis il but d'un trait sa coupe de Prosecco, comme si de rien n'était, tentant malgré tout, d'observer, amusé, les réaction de Fiorenza.

- Vous constaterez, Ma Dame, que je n'ai point porté atteinte à votre jarretière...

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 Sujet du message: Re: De la révolte d'Urbino : sur les terres de Fiorenza...
MessagePublié: Mars 13th, 2013, 1:04 am 
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Inscrit le: Décembre 17th, 2012, 11:35 pm
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Alors qu'il lui caressait la nuque, la jeune femme se laissa aller à un instant d'abandon délicieux, fermant les yeux pour savourer chaque sensation sur le grain de sa peau. Elle se surprit à sourire en écoutant ses paroles murmurées et frissonna quand il lui effleura l'oreille du bout des lèvres.
Ce moment tendre d'accord financier stratégique, prit fin quand la coquille d'une noix se brisa et qu'un sujet tout autre fut abordé.

Venanzio avait enchainé tranquillement le fil de la discussion mais la comtesse reprit vite ses esprits pour ressentir un profond malaise.
Qrôh...
Son cœur s'accéléra mais elle essaya, tant bien que mal, de retrouver un masque propre aux courtoises négociations concurrentes. En vain. La chute financière et militaire du croate, provoquée par ses armées, acheva de déconcerter la jeune femme qui blêmie à vue d’œil.


C'était cela, les affaires qui vous occupaient de l'autre côté de l'Adriatique...

Elle prit une inspiration et fit l'effort de paraître dégagée.

Oh, après tout, vous n'avez fait qu'interrompre un partenariat commercial avorté. Et puis, comme vous l'avez dit, ce n'était pas pour vous nuire... Je vais donc m'armer de patience et faire en sorte que notre ami commun se reconstruise une petite richesse économique. Je pourrais aussi abandonner, mais je reste persuadée que je peux faire des affaires avec ce croate sur la durée. Bien sûr, vous n'y verrez nulle offense. Vous connaissez bien trop de choses sur mon compte pour que je nie l'évidence que vous exposez.

Regardant la main affectueusement posée, elle fit lentement glisser ses doigts entre les siens et lui rendit un sourire enjôleur.

Vous n'avez qu'à vous dire qu'il s'agit d'une collaboration bien différente de la nôtre. Mais vous savez déjà que j'aime également faire fructifier mes intérêts au-delà des simples "causes justes" dans lesquelles je m'engage...

Loin de se raidir lorsqu'il lui confia avoir tué un homme de son père, elle amena sa main jusqu'à ses lèvres pour la baiser courtoisement, défiant ainsi l'usage commun.

"Un acte de justice et de douceur a souvent plus de pouvoir sur le cœur des hommes que la violence et la barbarie." Peu m'importe si votre acte était violent, il était juste. C'était un bien moindre mal pour l'ampleur de ce que le duc à commis...

Elle le laissa lui resservir du prosecco et sursauta quand une goutte vint tâcher sa robe. Elle vit alors à ses yeux comme à son ton qu'il avait délibérément fait déborder la coupe, afin que l'incident arrive.
La gênoise essaya de s'offusquer mais la situation était trop amusante pour ne pas lui arracher un léger rire.


Hé bien, je vous en prie, nettoyez cette vilain t...oh !

Elle sentit la main du vénitien remonter le long de sa cuisse, la caressant délicatement à même la peau. Elle inspira de manière plus saccadée, alors que ses joues devenaient rouges et le regarda nettoyer la tâche, le cœur au bord des lèvres. Alors, avec la désinvolture la plus totale, il bu d'une traite l'alcool contenu dans le verre.
Fiorenza, dont l'éclat des prunelles était devenu plus ardent, accueillit le sujet de la jarretière avec un sourire largement provocateur.


Vous constaterez que je n'en ai toujours pas...

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