Le Duc ne sourcillait pas. Il se tourna vers la grande fenêtre, sur leur droite. Une vaste ouverture qui offrait une vue imprenable sur la ville d'Urbino et sa campagne environnante.
- Ma parole, mon... père, seul le Christ la possède et la juge. Il me punira si je la renie. Ma parole, celle que je vous donne ici, c'est de rétablir l'ordre, la joie et la prospérité de nostre bon peuple, pour le bien de ce peuple et pour le bien de son Seigneur Jésus Christ. Voilà ma parole. Et je suis certain qu'elle est la seul, en réalité, digne des attentes de Saint Siège... et surtout de celles de notre bon Pape Grégoire le Treizième. Lança-t-il sèchement. Voyez-vous, je suis satisfait que notre très sage et très saint père ait saisi toute la portée de nos problème en ces terres et qu'il y ait favorablement répondu. C'est la seule chose qui m'importe.
Il tendit son verre en direction de cette fenètre.
- Regardez, Mon Sieur. Voyez-vous ce que je vois ? Voyez-vous cette nature sublime, cette ville, ces villages, battis dans la paix durant des millénaires. Voyez-vous la moindre de ces chaumières, de ces maisons ? Voyez-vous les bâtiments que le génie de l'homme à contribué à élever avec la grâce du Seigneur Jésus Christ ? Voyez-vous tout cela ?
Il observa le prélat.
- Alors Mon Sieur, pensez-vous que je veuille, en mon for intérieur, la destruction de tout cela, de ce sublime équilibre ? C'est au contraire pour conserver cette beauté, cette paix qui seule est digne d'y régner, que je dois agir fermement. Croyez-le bien. Ces si belles terres sont comme le souffrant. Elles nécessitent la saignée et se redresseront que plus vaillante ensuite. C'est un moment terrible que je vais devoir traverser. Une épreuve divine qu'il m'eut été plus agréable, croyez-le bien, d'éviter. Mais le destin l'a voulu autrement et mon rôle sera de redresser le malade. Ensuite, quand il sera remis sur pied, l'humanisme s'épanouira sous la bienveillance éclairée de nostre Prince et de Vostre Eglise. Soyez-en assuré Mon Sieur.
Un voile de tristesse mêlée de lassitude semblait s'être durablement installé sur son visage.
- Ma fille... Ô je ne la soupçonne pas le moins du monde de vouloir prendre parti contre son père ! Et si tel était le cas, Mon Sieur, croyez-bien que je réglerais moi-même, personnellement, cette affaire avec elle, avant même d'en référer au Saint Siège ! La sanction qui lui serait alors appliquée serait exemplaire et guidée, croyez-le bien, comme tout ce que j'entreprends ici bas, par le Très Haut.
Pour l'heure, elle est femme pieuse, en effet, et qui toujours a exécuté les volontés familiales. De ses épousailles, fort mal achevées par la mort de son époux, il est vrai... un homme admirable et estimé que je pleure encore bien souvent... de ses épousailles, disais-je donc, à la bonne directions des domaines de son héritage, elle a toujours exécuté ce que moi, son père, ait toujours décidé dans la dévotion qu'il sied à la fille et dans la servilité sans faille qu'il sied à la femme... et cela ne changera pas. Si cependant le vilain devait s'emparer de cette histoire et tenter de changer cela, c'est qu'elle aurait choisi d'accueillir le camp du diable et je me chargerais alors de la châtier en conséquence... le plus justement et le plus sévèrement possible. Mais je la sais suffisamment intelligente et assez craintive pour toujours rester dans le droit chemin. Vous n'aurez donc point, Mon Sieur, à vous mêler de cela...
Je vous interrogerai cependant probablement, un jour prochain, concernant le choix judicieux de son futur époux. Il n'est pas bon que cette jeune femme reste veuve et sans enfant, vous en conviendrez. Ce serait un gâchi pour la lignée Della Rovere ! Puis je ne vous apprendrai rien si je vous disais que la chair est faible... Aussi, de mauvaises idées suivies d'odieuses moeurs pourraient naitre en elle de ceste instabilité... Je songe donc à la remarier avec un parti prompt à garantir et développer nos intérêts. Et je songe pour cela à quelques Seigneurs du Saint Empire ou... d'Espagne. Sur ce point, nous aurons loisyr, Mon Sieur, de débattre et aussi, je serai promptement ouvert à votre bon conseil... Pour le reste, je m'en occuperai...
Il fit de nouveau remplir sa coupe et leva la sienne.
- A nostre bonne entente, Mon Sieur ! Que la paix du christ puisse durablement advenir sur ces terres.
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