La brume s'étiole sous le cers, en ce matin d'automne 1570. Cette même brume cachant l'aurôre de ce 28 juin 1570, je me rappelle...
De cette nuit, où Jacques Bernuy et moi avons envoyé outre-tombe tous ces blessés protestants et catholiques du champ de bataille d'Arnay-le-Duc. Ce fût le dernier épisode sanglant de cette troisième guerre de religion, où sous le commandement de l'amiral Gaspard II de Coligny, nous défimes, à quatre milles, les douze milles catholiques de l'armée royale du maréchal Artus de Cossé-Brissac. Il me revint en mémoire, outre les cris de haine, de rage, de peurs, de douleurs, le bruit métallique des armes, cette odeur acre, de sang, le visage flamboyant de ce jeune homme, vivant là sa première bataille : quelle étrangeté!!! Mais comment se nommait-il déjà?....Ha oui, Henri de Navarre! Tout ne semblait donc pas perdu.
Quelle route parcourue depuis cet hivers désastreux et maudit de 1569! Partis de la Saintonge, des lambeaux de l'armée fuirent vers Montauban, puis le Languedoc, échappant ainsi au lieutenant-général Blaise de Monluc et au comte Montmorency-Damville. Là nous rejoignâmes l'armée des « vicomtes », et remontâmes ensuite le long de la vallée du Rhone, et prîmes Saint-Etienne. Puis vint ce 27 juin 1570, et dans les heures qui suivirent notre victoire, notre départ pour Paris. En cours, Nous établissâmes un camp à la Charité-sur-Loire. Quel jour bénit!
Le roi de France, voyant Paris menacé et la route du Midi bloquée signa une nouvelle trêve, l'édit de Saint-Germain, le 8 août 1570. Il accorda aux protestants une liberté limitée de pratiquer leur culte dans les lieux où ils le pratiquaient auparavant ainsi que dans les faubourgs de 24 villes. Ce traité garantit quatre places de sûreté aux protestants : La Rochelle, Cognac, Montauban et La Charité.
En ce matin d'automne 1570, je quittai, devant la ville de Narbonne, mon ami Jacques Bernuy qui s'en allait poursuivre son activité de marchand dans la ville de Toulouse. Peut-être reprendrait-il son poste de conseiller auprès du parlement de cette ville? Pour ma part, juriste de formation, mon père gérant encore les activités familiales sur Toulouse, et sur les bons conseils de mon ami, je vais faire du négoce dans cette ville et son port. Dans ce pays cathare, les catholiques n'ont jamais été les bienvenus, et cela me va à ravir. Nous devons reconstituer nos forces, et notre influence rapidement dans cette partie du monde. Car les braises de la haine religieuse rougeoient encore, n'attendant qu'un souffle pour embraser la France!
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