Maria Fiorenza Della Rovere, comtesse de Pesaro
Née à Urbino en 1545, Fiorenza est la fille de Giulia Varano et de Guidobaldo II Della Rovere, duc d’Urbino. Ce dernier, devenu commandement des armées vénitiennes en 1546, en souvenir des services rendus par son père à la Sérénissime, s’allia à la Couronne d’Espagne dès 1559 pour exercer une politique fiscale abusive.
Fiorenza reçut une éducation sévère, à l’image de celle de son demi-frère, François Marie II. Tous deux grandirent dans les années où l’économie des possessions ducales connaissait d’alarmantes complications. Les Della Rovere n’étaient pas la seule famille influente de la République. Les Durazzo, les Cattaneo, les Saluzzo ou les Della Torre, exerçaient leur politique sur le devant de la scène génoise. Il fallait que Della Rovere retrouve ses lettres de noblesses, retrouve son hégémonie commerciale et financière, à l’instar d’un vieux chêne, « produis(ant) encore » des feuilles.
Cette nécessité, Fiorenza la comprit très vite. Adolescente, elle se documenta sur l’histoire de la famille, étudia les anciens comptes, les inventaires, lu Machiavel, Thomas More et s’intéressa de près à la gestion d’un domaine comme au développement des marchés. Hélas, ses revendications ne pesaient guère sur la balance familiale et on ne lui assigna qu’un rôle, celui d’épouser Alessandro Viale, de vingt-trois ans son aîné, dont elle exécrait les manières comme les actes, parfois odieux à l’encontre de la population. Les noces eurent lieu en septembre 1562. Une seule fille naîtra de cette union en 1568, morte deux mois après sa venue au monde de la fièvre du nourrisson.
Proche de son frère François Marie II, Fiorenza l’encouragea dans sa volonté de devenir condottiere, entreprise couronnée de succès. Quand il embarqua pour le royaume d’Espagne en 1565, elle sut qu’elle aurait davantage de possibilités d’exercer son influence commerciale. Son époux étant fils de marchand, elle profita de l’opportunité pour prendre le contrôle de certains commerces à Gênes et dans les villes environnantes, parfois en glissant des pots de vins à l’insu de Viale. Lorsque ce dernier mourut en 1571, au cours de la bataille de Lépante, elle reprit seule la gestion des affaires, lorgnant même sur les privilèges vénitiens qu’avait jadis obtenu son père. Elle s’opposa violemment à lui sur la question, de même que sur celle des taxes écrasantes qu’il prélevait sur la population d’Urbino. Si elle ne pouvait éviter une révolte dans sa ville natale, peut-être pourrait-elle relever Pesaro. Face au refus aveugle de Guidobaldo, elle fit bâtir un domaine près de sa ville comtale pour en gérer de près l’administration et l’économie. A Urbino, la clameur de la rébellion grondait.
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