Giuliano Arbini était nerveux depuis près d'une semaine. Ce n'était pas tous les jours que l'on recevait un légat du Pape au sein d'un modeste, quoique économiquement florissant, domaine de campagne. Ce n'était pas qu'une telle visite le dérangeait, mais il tenait à ce que tout fut irréprochable, de la réception au moindre détail de souillure sur les bottes des soldats. En homme pieux, il ne parvenait cependant plus à savoir s'il devait prier pour le salut de l'âme de sa jeune maîtresse, des habitants, ou de son ulcère.
Aussi, en ce en ce vingt-trois juillet de l'an de grâce quinze-cent-soixante-treize, quand l'arrivée au domaine d'un attelage fut annoncée, Giuliano entra dans une effervescence telle que chaque serviteur se demanda si sa fin n'était pas proche. En plus, il faisait déjà chaud ce matin-là. Maledetta !
- Que se passe-t-il? s'écria-t-il à un garde qui revenait de la porte. Pourquoi vous n'êtes pas en train d'escorter la voiture? Mais que font ces satanés tire-au-flancs de serviteurs ! Les étoffes, les tapis de descente devraient être déjà apprêtés ! Bontà divina, il s'agit du nonce papal !
- Hé bien justement, à ce propos...
- Quoi? Votre femme n'a pas nettoyé votre pourpoint? Je vous préviens que si vous n'êtes pas irréprochable...
- Il ne s'agit pas de son éminence De Tormes mais du Signore Arimondo.
Une gradation de surprise marqua le visage du secrétaire, à tel point que le jeune homme crut à un essoufflement du cœur.
- Signore, s'enquit-il. Tout va bien?
- Évidement ! tonna Giuliano. Mais que faites-vous encore là? Il nous faut une table avec des cygnes, des paons rôtis, des chevreaux, des testicules de coq, des fruits par dizaines, du vin rouge et blanc, des douceurs des... euh non, oubliez les testicules, mais... mais allez-y, accueillez-le, Santa Madona ! C'est notre plus généreux donateur ! Sans lui vous n'auriez même pas ces... rah, je ne sais même pas pourquoi je discute encore avec vous !
- Venanzio? dit une voix féminine derrière eux. Venanzio est ici et vous ne me prévenez pas?
Le secrétaire se tourna vers la comtesse qui affichait un grand sourire et dont les yeux brillaient de bonheur.
- J'allais le faire, madame, répondit Giuliano en inclinant la tête.
- Trouvez Valerio, lança-t-elle, enthousiaste, à l'intention du garde. Dites-lui que son bienfaiteur est de retour !
- Il est déjà avec lui, signora, dit-il en souriant.
- Tant que nous y sommes, contessa, reprit le secrétaire, pensez-vous que nous devons choisir le chevreau ou le bœuf pour le dîn...
Mais la demoiselle venait de quitter le domaine à toutes jambes. Vêtue d'une robe au décolleté en cœur, taillée dans un tissu bleu léger, Fiorenza traversa le domaine le pas vif, portée par l'élan de son cœur. Quand elle arriva à hauteur de la porte, elle aperçu Venanzio étreignant Valerio. Leur retrouvailles étaient vives et pleines d'engouement.
- Mon amour, tu es de retour, dit-elle d'une voix chargée d'émotion. Tu es là... tu...
Sans davantage trouver les mots, elle se précipita pour le prendre dans ses bras et l'embrasser. Si les convenances exigeaient une retenue d'usage en public, elle s'en moquait éperdument en cet instant.
- J'attends ce jour depuis des mois, c'est si bon ! Vois comme le domaine c'est développé depuis que tu assure sa protection ! Nous avons continué à accueillir des réfugiers pendant des semaines entières. Ils se sont parfaitement intégrés en raison de la diversité de leurs activités. Valerio est très suivit par tes hommes et à désormais des ambitions de condottiere !
Ses doigts, caressant son visage, descendirent le long de ses bras pour venir lui serrer les mains avec tendresse.
- A ce propos, tu sais que notre brave nonce apostolique a prévu de nous rendre visite prochainement. La première lettre à m'en avertir ne vint pas de lui, cependant. Je ne m'y attendais pas, mais celle-ci fut écrite de la main de mon frère Francesco ! Il a fait récemment un nouveau séjour en Espagne où il dit avoir rencontré l'évêque et sieur chancelier Salvatore De Tormes et gagné son amitié. Il accompagnera le cortège papal comme chevalier d'honneur ! J'ai hâte de le revoir, et hâte que tu le rencontre ! C'est un jeune homme brillant, et cette entente ne peut que tomber à point nommé pour nous !
Ses yeux empreint de douceur brillaient aussi d'excitation.
- Mais avant d'ouvrir des festivités plus officielles, dit-elle sur un ton intimiste, allons nous délasser un peu. Tu dois être... épuisé du voyage.
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Dernière édition par Fiorenza Della Rovere le Octobre 14th, 2013, 1:25 pm, édité 1 fois au total.
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