Sire,
Je crains que les vénitiens ne soient finalement de bien piètres négociateurs, comme me l'avait fait remarquer le prince Ali lorsque vous vous étiez retiré sans même discuter le prix. Vous pensez pouvoir venir, taper du poing sur la table et exiger toutes sortes de choses avec pour seul résultat un dalmate qui courbe l'échine ?
Allons donc, c'est mal connaître mon peuple aussi indécrottable que peuvent l'être des paysans vivants sur l'une des côtes les plus stériles de la méditerranée. Il me semble d'ailleurs, au vu des pertes que votre coalition a subi pour détruire les forces des états libres de Croatie, que votre triomphe soit loin d'être total. De même qu'il n'est pas dit que vous ayez moins à perdre que moi.
J'aimerais en effet assez que l'on ne me prenne point pour un benêt ; mes agents autour de l'Adriatique m'avaient informé d'une forte présence militaire germanique aux frontières avant même que vous ne passiez par ce que vous appelez mon domaine. Je sais que Venise, à l'image de laquelle vous collez parfaitement, ne s'intéresse pas aux intérêts de ses soit-disant amis mais aux siens propres. La seule raison pour laquelle vous soutenez cette bande de soudards dégénérés que sont les impériaux, dont la seule présence en méditerranée est une offense à tous les descendants des romains et usagers de la mare nostrum, est que nos terres et nos eaux comptent aussi beaucoup pour vous.
Jamais un Dalmate ne capitulera face aux envahisseurs étrangers. La seule chose que nous avons à répondre aux condottieres, c'est Idi kući! Drolja!
C'est une erreur de chercher à humilier les guerriers croates, d'autant que nous ne sommes pas que des guerriers. Nous sommes aussi capables d'envoyer une délégation au doge
en compagnie d'un certain capitaine du San Giorgio Della Laguna dont nous avons appris l'existence récemment. Il m'a semblé que ce pourrait être fâcheux.
Pire, une mauvaise langue m'a soufflé que votre soutien aux germains pourrait avoir été dicté par un quelconque besoin de faire disparaître quelque témoins d'une discussion qui n'aurait jamais dû avoir lieu.
Cela dit, ayant depuis quelques années l'habitude de discuter avec des ottomans très intéressés par les possessions vénitiennes de Dalmatie, je suis devenu un homme très ouvert à la négociation. Après, si vous préférez le langage barbare de l'empire, je vous souhaite bien du plaisir dans vos pillages ; ce n'est pas comme si après des siècles d'occupation les vôtres n'avaient toujours pas découvert la moitié des caches que mon peuple a disséminé dans toute l'adriatique.
Sans maître ni frayeur,
Tremâhïn Abdel Qrôh