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 Sujet du message: De la Révolte d'Urbino: audiences ducales.
MessagePublié: Janvier 1st, 2013, 7:54 pm 
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Urbino, palais ducal, 29 décembre 1572.

L'heure était aux négociations.
Les Marches s'apprêtaient à connaître une insurrection telle que l'un de ses plus influents princes avait finalement imploré l'aide de Rome.
Les princes laïques... De jeunes garçons pleins de fougue, d'ambition. Ils avaient beau s'affirmer indépendants et imposer leur politique par le sang et les armes, ils finissaient toujours par revenir dans le giron de l’Église pour lui quémander son lait.
Pour certains, ce nectar spirituel était refusé et une peine d’excommunication pouvait être prononcée à l'aune des actes répréhensibles commis.
Pour d'autres, l'accès aux mamelles divines de la Vierge était permis, sous condition d'une fidélité absolue.

Guidobaldo II Della Rovere était un de ces "jeunes garçons plein de fougue, d'ambition". Mais quand bien même il faisait preuve d'empressement, sa doléance était juste et l'ampleur des évènements, suffisante pour faire déplacer un nonce apostolique en personne.
Ce matin-là, sous un clément soleil hivernal, le nonce entra en ville, monté sur un pur-sang et accompagné d'une escorte de quinze gardes suisses. Derrière sa robe ecclésiastique se dessinait l'armure d'apparat qui rappelait son appartenance à la chevalerie de Castellvell.

Sous les saluts et les révérences d'une foule étonnamment exemplaire, ils traversèrent la ville pour en gagner les hauteurs. En passant près de la cathédrale San Domenico, l'agent papal sourit et exécuta un discret signe de croix. Puis, il prit la direction du palais.
Son arrivée à a résidence ducale fut des plus remarquée, deux gardes suisses sonnant le clairon pour l'annoncer.

- Monseigneur Salvatore de Tormes, évêque de Tarragone, Chancelier de l'Université de Salamanque et Nonce Apostolique de sa Sainteté Grégoire XIII.

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 Sujet du message: Re: La Révolte d'Urbino
MessagePublié: Janvier 4th, 2013, 12:18 am 
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Le Duc d'Urbino, paré de sa superbe mais les traits vraisemblablement tirés par des nuits d'intenses réflexions, était assis sur ce vaste siège qui lui servait de trône. Dérisoire trône, en l'espèce, qui dominait une cour quasi-déserte et silencieuse. Seuls quelques obséquieux conseillers peuplaient encore cette galerie jadis si festive. Le visage de l'austérité se mêlait à celui de l'intransigeance et l'atmosphère était pesante.

Le Duc toisait, impassible, l'homme d'église qui s'avançait vers lui. Il tentait de faire bonne figure mais n'avait qu'une question en tête, à cet instant : "Combien ?". Combien le pape allait bien pouvoir lui accorder de troupes ? Combien allait-il devoir lui céder ? Combien ? Combien ? Combien ?

Il avait lu Machiavel et bon nombre d'autres auteurs de son temps. Il savait qu'un homme de pouvoir digne de ce nom ne devait, sous risque de déchoir, ni afficher sa peur, ni extérioriser ses étonnements. Toujours devait-il afficher un air entendu. Toujours devait-il savoir aller droit au but et suscité lui-même dans son interlocuteur surprise et crainte. C'était ainsi que les grand triomphaient toujours, selon Guidobaldo. Alors il toisa le Nonce Apostolique avec le masque d'une autorité lasse.

Guidobaldo ne se dressa point. Il tendit sa bague à l'homme d'église pour qu'il la baise. Il était l'hôte. Il était souverain. Il était prince. Et quand bien même l'angoisse lui nuait l'estomac, il n'entendait rien laisser paraitre de sa détresse.

- Mon Sieur, je parlerai sans détour. Nous n'avons pas de temps à perdre. Vous connaissez la situation. Je ne m'étendrai point. Ce peuple, bien ingrat à l'endroit de son bon prince et ne consentant de céder face aux besoins du Bien Commun, ce peuple ou plutôt ses quelques meneurs, a cru bon outre-passer les rôle ordonné par notre Seigneur Jésus Chrit pour lui imposer, à travers nous, ses princes, son ordre. Ce troupeau égaré, conduit par quelques loups bien conscients du festin qui les attendra lorsqu'ils l'auront mené où ils souhaitent le mener, s'apprête à commettre l’irréparable. S'apprête à se soulever contre les princes d'Italie, contre Dieu !

Il s'interrompit et ne laissant pas reprendre le Nonce, il enchaina.

- Nous avons longuement parlementé, longuement palabré. Trop longuement ! Or ces gens ne veulent entendre raison. Je vous ai donc convié pour demander officiellement à notre très Saint père d'intervenir, à mes côtés, pour rétablir l'ordre de Dieu sur mes Terres. Comprenez, Mon Sieur, que l'heure est grave, non seulement pour mes possessions mais surtout pour l'église et son bon ordre.

Il fixa le Nonce droit dans les yeux.

- Les questions sont simples. Ne nous perdons pas en détours. Il y en a deux. Primo, jusqu'où l'Eglise est-elle prête à aller pour rétablir la paix de Dieu en cette partie de l'Italie ? Secondo, que veut-elle de moi en retour ? Sachez Mon Sieur qu'il serait facheux, pour toute la chrétienté que nous dussions faire sans l'église. Nous triompherons de l'infamie. Cela se saura. Cela servira d'exemple, devant le monde tout entier. Il est dans l'intérêt de Rome d'y participer.


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 Sujet du message: Re: La Révolte d'Urbino
MessagePublié: Janvier 8th, 2013, 12:08 am 
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La cour ducale fut plongée dans le silence, un silence voulu par le nonce qui fixa, tour à tour, l'anneau et le prince avec une grande sévérité. Alors que Della Rovere le toisait, il le sondait. Le masque de superbe, ce masque inébranlable que le laïque arborait avec professionnalisme, montrait pourtant de belles fissures. Et pour cela, inutile de chercher loin, il suffisait de remarquer le léger tremblement partant de l'avant-bras jusqu'à l'extrémité de ses doigts.
Le génois était profondément anxieux mais il restait digne de l'arrogance propre aux patriarches de sa famille.

L'ombre d'un sourire se dessina sur les lèvres de l'espagnol et c'est d'un pas assuré qu'il réduisit finalement la distance qui le séparait du duc pour aller baiser sa bague, non sans une révérence d'usage.

Seigneur-duc d'Urbino, je vous remercie pour votre accueil des plus chaleureux sur vos terres et en votre domaine. J'ai bien entendu vos revendications et soyez assuré que sa Sainteté le pape Grégoire XIII également, par mon intermédiaire.

La revendication était pressante mais il répondit d'une voix posée.

Votre volonté de reconduire le troupeau de vos sujets dans le giron de votre autorité est louable, c'est ce que se doit de faire tout seigneur lorsque son peuple court à sa perte. Soyez donc assuré que vous avez notre soutien.
Cependant... sachez que nous sommes, comme vous, nostalgiques de l'époque où vous parveniez à tirer une part importante de vos revenus de vos conduites militaires. Avant l'automne, nous vous avions même autorisé la levée de 20 000 écus supplémentaires alors dites-moi comment la situation a pu dégénérer autant...


Il fit quelques pas qui résonnèrent sous les hautes voûtes du palais.

Je comprends votre colère, votre anxiété et votre impatience. Mais prenez garde avant de frapper. Un prince a le droit de faire de ceux qui violent impunément sa supériorité des exemples afin que sa population le respecte. Mais s'il déploie une colère aveugle pour châtier sans distinction, il mettra en danger son privilège de communion.

Le Saint-Siège vous a entendu et reste prêt à vous aider. Les troupes vaticanes sont postées à Gubbio et il ne tient qu'à vous de montrer que vous méritez leur intervention à Urbino. Pour cela, je dois avoir votre parole que vous vous en tiendrez à arrêter et punir les chefs du soulèvement uniquement. Je ne suis pas de ceux qui accordent l'absolution pour une extermination de masse.
Le prix que nous voulons en retour n'est pas contraignant. Je ne vais pas m'opposer à la levée des taxes, l'administration de votre duché vous reviens entièrement de droit. En revanche et à partir de maintenant, l'Eglise prélèvera un pourcentage sur les impôts d'Urbino et de ses dépendances.


Il s'arrêta et lui adressa un sourire bienveillant.

Sommes-nous d'accord?

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 Sujet du message: Re: La Révolte d'Urbino
MessagePublié: Janvier 9th, 2013, 10:39 pm 
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Guidobaldo II Della Rovere sentit sa face s'enflammer. Il y avait un peu de tout dans ce feu qui lui dévorait le visage. Un insupportable sentiment d'humiliation, de la honte, de la rage, de la frustration, également, de ne pouvoir à loisir étriper de ses mains ce maudit prélat sans mettre en danger la suite de ses affaires. Il respira profondément comme le lui avait jadis appris son Maître de guerre. Un autrichien dure et autoritaire dont il ne regrettait pas la mort, à Lepantes...

Il resta droit, impassible et toisa l'évêque avec tout le mépris qu'il put rassembler dans les profondeurs les plus sombres de son coeur.

- Le Saint Siège a compris où était son intérêt. C'est une bonne chose. L'argent, vous le prêterez, Mon Sieur, parce que vous savez que je suis un débiteur solvable. Et parce que stratégiquement, vous n'avez pas le choix. C'est une bien belle chose que notre très Saint Père en soit remercié.


Cette petite réponse eut effet de restaurer en lui un certain calme.

- 20 000 écus, dites-vous... Nous vous rendrons cette sommes sitôt la situation rétablie par la force et vous le savez fort bien. C'est pour quoi, vous nous l'avez prêtée, n'est ce pas ? Vous ne commettriez pas là un aveux de faiblesse et d'incompétence en pensant que le christ vous a mal conseillé et que vous nous avez prêté inconsidérément, n'est-ce pas ? Quant à la bonne tenue de mes affaires, Mon Sieur, c'est justement pourquoi vous êtes ici, ce jour ! Pour m'aider à les redresser. Vous savez fort bien que mes affaires ne seront rétablie dans leur bon ordre tant que régnera cette situation insurrectionnelle ! Vous le savez très bien que la chute de nos affaire est liée à ce mouvement diabolique... et c'est pourquoi vous allez nous aider à mater cette révolte et à rétablir l'ordre : pour que les affaires reprennent comme avant et avec plus de vigueur encore... et pour que, comme avant, vous puissiez en tirer le meilleur parti. Vous savez tout cela, Mon Sieur. Cessez donc de vous défausser en tentant de rejeter une faute sur votre meilleur associé alors que nous sommes, tous les deux, vous et moi, Urbino et le Saint Siège, embarqués dans le même bord.

Son regard brillait désormais et il était fier de l'imposer sans sourciller à cet homme de Rome.

- Vous aurez ce que vous me demandez... Vous aurez vos missions et nous consentirons à honorer avec force générosité le denier du culte. Voyez-vous, je ne le ferai pas parce que vous semblez me le demander en échange de votre aide. Non. Je le ferai pour notre Seigneur Jésus Christ... Et pour rétablir une certaine paix sociale. Voilà votre utilité ici bas. Voilà pourquoi nous vous payerons beaucoup. Voilà pourquoi vous nous aiderez. Parce que dans ce partenariat, Mon Sieur, nous sommes toujours gagnant, et vous le savez fort bien.

Il exécuta un geste de la main et un jeune valet leur amena deux coupe emplies d'un vin rouge de Gênes. Il saisit les deux assez brutalement, sans regarder le jeune homme. Il en tendit une à l’Évêque.

- Vous savez que nous n'aurons pas le choix, pour rétablir nos affaire, justement, que d'agir fortement, par la force, avec moult exemples. Vous le savez... Vous me dictez ce que doit être la gouvernance d'un bon Prince chrétien. Fort bien. J'en prends bonne note. Cependant, avec vos préoccupations humanistes, Mon Sieur, vous me rappelez une femme ! Vous me rappelez ma fille ! Et ses rêves de prospérité universelle et de richesses partagées ! Des rêves ! C'est bien belle chose que de rêver ainsi, oh oui... et je suis un prince rempli de compassion, croyez-le bien ! Mais non de non, face à la situation qui est la nôtre en ce moment, comprenez-bien, que nul rêve n'est admis, nul autre choix ne nous est laissé. Alors certes, nous réprimerons dans la force ! Certes, il faudra en passer en ce début d'année de grâce 1573, par du sang versé, des cris et des larmes... Mais une fois l'ordre rétabli, les meneurs punis, les exemples faits, vous aurez tout loisir avec vos bonnes oeuvres, de rétablir la paix du christ et d'aider le peuple en souffrance. Ensuite, vous le savez, nos affaires seront de nouveau fructueuses. On ne nait jamais sans douleur, Mon Seigneur. Et vous le savez fort bien... n'est-ce pas ?


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 Sujet du message: Re: La Révolte d'Urbino
MessagePublié: Janvier 12th, 2013, 5:08 pm 
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Quelques murmures fusèrent çà et là mais De Tormes, loin de courber l’échine devant la tentative d’ascendance du prince, le fixa avec une pointe de lassitude.
L’arrogance était une constante affligeante chez les seigneurs laïques mais plus que tout, le nonce voyait chez son interlocuteur le plus pur archétype du pouvoir frustré et le constat était alarmant : Guidobaldo II Della Rovere était incapable de sagesse.

Une nouvelle fois, il répondit, et le ton docte employé devint peu à peu autoritaire.

De toutes les discussions diplomatiques que j’ai mené, il y en a que j’ai peine à supporter, celles où l’on me parle par injonction. Je n’ignore pas le prestige de votre famille, ni même la puissance qui est la sienne mais vous restez un vassal du Saint-Père et en tant que demandeur de son soutien comme de sa bénédiction, vous n’êtes pas en position de vous adresser à son nonce comme à un serviteur, Monsieur le Duc.

Il prit alors la coupe de vin de Gênes et fit tourner la robe rouge dans son récipient de cristal. Puis, il but une gorgée et son visage s’adoucit pour laisser paraître un sourire appréciateur.

Cela dit, vous connaissez mes goûts en matière de nectars terrestres et je vous en remercie.

Il reprit alors le fil des négociations plus posément mais non moins amusé.

Je vous… « rappelle une femme » ? Nous parlons bien de votre fille Fiorenza, comtesse de Pesaro, n’est-ce pas ? Car je doute que ses sœurs Virginia, Isabella et Lavinia aient des tendances révolutionnaires… Elle a la réputation d’être une femme pieuse et n’a jamais contrarié l’Eglise. Je ne peux que m’accorder avec son désir de charité mais si elle vous fait ombrage, ce dont je doute car étant née femme, elle ne peut avoir les armes réelles pour vous nuire, soyez sûr qu’elle sera rapidement écartée.

Je n’ai fait que vous exposer mon point de vue, il va de soi que j’obéis à sa Sainteté qui a pris la décision d’intervenir en votre faveur. Le seul conseil personnel que je peux vous donner est celui-ci : Libre à vous de mater votre peuple dans le sang s’il le mérite, mais Dieu saura vous punir si vous faites preuve d’injustice, et soyez assuré que le Saint-Siège prendra les mesures pour vous châtier sur terre si vous en veniez à outrepasser vos droits en usant ses armées pour abattre des innocents.

Il s’avança jusqu’au trône et franchit deux marches, une seule le séparant encore du prince. Son regard gris plongea dans le sien avec sévérité.

Je veux votre parole que vous ne commettrez pas une telle erreur…

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 Sujet du message: Re: La Révolte d'Urbino
MessagePublié: Janvier 13th, 2013, 1:30 am 
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Le Duc ne sourcillait pas. Il se tourna vers la grande fenêtre, sur leur droite. Une vaste ouverture qui offrait une vue imprenable sur la ville d'Urbino et sa campagne environnante.

- Ma parole, mon... père, seul le Christ la possède et la juge. Il me punira si je la renie. Ma parole, celle que je vous donne ici, c'est de rétablir l'ordre, la joie et la prospérité de nostre bon peuple, pour le bien de ce peuple et pour le bien de son Seigneur Jésus Christ. Voilà ma parole. Et je suis certain qu'elle est la seul, en réalité, digne des attentes de Saint Siège... et surtout de celles de notre bon Pape Grégoire le Treizième. Lança-t-il sèchement. Voyez-vous, je suis satisfait que notre très sage et très saint père ait saisi toute la portée de nos problème en ces terres et qu'il y ait favorablement répondu. C'est la seule chose qui m'importe.

Il tendit son verre en direction de cette fenètre.

- Regardez, Mon Sieur. Voyez-vous ce que je vois ? Voyez-vous cette nature sublime, cette ville, ces villages, battis dans la paix durant des millénaires. Voyez-vous la moindre de ces chaumières, de ces maisons ? Voyez-vous les bâtiments que le génie de l'homme à contribué à élever avec la grâce du Seigneur Jésus Christ ? Voyez-vous tout cela ?

Il observa le prélat.

- Alors Mon Sieur, pensez-vous que je veuille, en mon for intérieur, la destruction de tout cela, de ce sublime équilibre ? C'est au contraire pour conserver cette beauté, cette paix qui seule est digne d'y régner, que je dois agir fermement. Croyez-le bien. Ces si belles terres sont comme le souffrant. Elles nécessitent la saignée et se redresseront que plus vaillante ensuite. C'est un moment terrible que je vais devoir traverser. Une épreuve divine qu'il m'eut été plus agréable, croyez-le bien, d'éviter. Mais le destin l'a voulu autrement et mon rôle sera de redresser le malade. Ensuite, quand il sera remis sur pied, l'humanisme s'épanouira sous la bienveillance éclairée de nostre Prince et de Vostre Eglise. Soyez-en assuré Mon Sieur.

Un voile de tristesse mêlée de lassitude semblait s'être durablement installé sur son visage.

- Ma fille... Ô je ne la soupçonne pas le moins du monde de vouloir prendre parti contre son père ! Et si tel était le cas, Mon Sieur, croyez-bien que je réglerais moi-même, personnellement, cette affaire avec elle, avant même d'en référer au Saint Siège ! La sanction qui lui serait alors appliquée serait exemplaire et guidée, croyez-le bien, comme tout ce que j'entreprends ici bas, par le Très Haut.

Pour l'heure, elle est femme pieuse, en effet, et qui toujours a exécuté les volontés familiales. De ses épousailles, fort mal achevées par la mort de son époux, il est vrai... un homme admirable et estimé que je pleure encore bien souvent... de ses épousailles, disais-je donc, à la bonne directions des domaines de son héritage, elle a toujours exécuté ce que moi, son père, ait toujours décidé dans la dévotion qu'il sied à la fille et dans la servilité sans faille qu'il sied à la femme... et cela ne changera pas. Si cependant le vilain devait s'emparer de cette histoire et tenter de changer cela, c'est qu'elle aurait choisi d'accueillir le camp du diable et je me chargerais alors de la châtier en conséquence... le plus justement et le plus sévèrement possible. Mais je la sais suffisamment intelligente et assez craintive pour toujours rester dans le droit chemin. Vous n'aurez donc point, Mon Sieur, à vous mêler de cela...

Je vous interrogerai cependant probablement, un jour prochain, concernant le choix judicieux de son futur époux. Il n'est pas bon que cette jeune femme reste veuve et sans enfant, vous en conviendrez. Ce serait un gâchi pour la lignée Della Rovere ! Puis je ne vous apprendrai rien si je vous disais que la chair est faible... Aussi, de mauvaises idées suivies d'odieuses moeurs pourraient naitre en elle de ceste instabilité... Je songe donc à la remarier avec un parti prompt à garantir et développer nos intérêts. Et je songe pour cela à quelques Seigneurs du Saint Empire ou... d'Espagne. Sur ce point, nous aurons loisyr, Mon Sieur, de débattre et aussi, je serai promptement ouvert à votre bon conseil... Pour le reste, je m'en occuperai...


Il fit de nouveau remplir sa coupe et leva la sienne.

- A nostre bonne entente, Mon Sieur ! Que la paix du christ puisse durablement advenir sur ces terres.


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 Sujet du message: Re: La Révolte d'Urbino
MessagePublié: Janvier 21st, 2013, 11:51 pm 
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Comme il s'y était attendu, le prince ne se démonta guère face à la menace. Il préféra déporter son regard sur un point de fuite sécurisant qui lui assurerait des arguments confortables dans son discours.
L'éloge émouvante qu'il fit de ses terres pour alimenter l'exigence du mal comme bien nécessaire n'émut guère l’ecclésiastique. Mais la façon qu'avait son interlocuteur de se comparer à un médecin dont le devoir était de soigner son peuple atteint par la gangrène de l’insurrection, fit naître une pointe d'amusement dans le regard de De Tormes.

A son tour, il regarda donc la fenêtre derrière les croisillons de laquelle se devinaient les toits des maisons de la ville.

Seigneur Della Rovere, je n'ai jamais douté de votre bienveillance, et c'est pour cela que je suis ici.

Lui faisant à nouveau face, il arrêta son visage à quelques centimètres du sien.

Je ne faisais que vous rappeler les rôles que nous avions chacun à tenir sur cette échiquier. Vous avez besoin de mon aide, le Pape est votre "Roi", vous êtes son "Cavalier". Quant à la "Dame"...

Il se recula et fit quelques pas dans la salle, semblant volontairement prolonger l'attente derrière une certaine réflexion.
Puis, il s'arrêta.

... Il est, en effet, certain qu'il lui faut un époux sans tarder. Il serait regrettable que sa nouvelle liberté fasse d'elle une pécheresse ou une catin. Je ne pourrais que vous diriger sur le choix d'un prince espagnol de haut-lignage mais vous connaissez ma patrie d'origine... Je manque, pour ainsi dire, d'objectivité mais... je connais quelques noms dont je vous soumettrez le portrait lors de notre prochaine rencontre. Je suis certain qu'ils sauront vous plaire.

Le nonce regarda le vin remplir sa coupe avec un sourire. Puis, il la saisit pour imiter le laïque.

A notre bonne entente, Mon Prince. Que la paix du Christ soit sur votre famille et vos domaines.
Je suis certain que les appartements que vous m'avez réservés sont des plus reposants et agréables...

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 Sujet du message: Re: La Révolte d'Urbino
MessagePublié: Janvier 24th, 2013, 6:06 pm 
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Guidobaldo s'inclina sans révérence face au prélat. Il afficha un air apaisé de façade puis exécuta un geste de la main dont ses valets saisirent immédiatement le sens.

- Mon Seigneur, vous allez être accompagné en vos quartiers. Nous y avons fait aménager un mobilier simple et modeste qui, j'en suis persuadé, siéra à l'austérité qui fait l'apanage d'un homme d'église digne de ce nom... Vous y trouverez en effet tout le calme et le dépouillement dont vous aurez besoin pour prier... Rien de faste ni superflue ne pourra venir perturber vos méditations, soyez en sûr. Que la paix du Christ vous accompagne.

Il observa le Nonce s'éloigner et un sourire sadique assombrit malgré lui son visage. De nouveau seul sur son trône, il interpela son secrétaire.

- Bien, à qui le tour, désormais ?

- Mon Sieur Rossano Benarola, Mon Seigneur.

- Qui est-il, celui-là ? Un autre rejeton de la papauté ? Avec un nom pareil, je doute qu'il ne descende d'un chevalier Kathanique...


Les quelques conseillés et autre valets encore présents pouffèrent en choeur.

- Un docte Seigneur de nostre République de Gênes, Mon Seigneur...

- Grand bien lui fasse ! Est-il riche ?

- Il est influent Mon Seigneur...

- Cela ne me dit pas s'il est riche ! Bien... Faites donc entrer ce... Benarola.


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 Sujet du message: Re: La Révolte d'Urbino
MessagePublié: Janvier 27th, 2013, 11:39 pm 
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Alors qu'il rejoignait ses hommes, à quelques pas du trône ducal, De Tormes eut un petit sourire pincé. Il se tourna lentement vers son hôte pour répondre en toute affabilité.

Oh, cher seigneur, vous êtes un homme chrétien. Je m'en serais affreusement voulu si j'avais du séjourner dans un faste impie, indigne de ma condition de serviteur de Dieu et de sa Sainteté le Pape.
Mais comme vous m'offrez un dépouillement "princier"...


Il claqua des doigts et aussitôt, une dizaine de gardes suisses firent leur entrée, chargés de reliquaires, de triptyques, de coupes d'or et d'argent, de croix et autres multitudes de trésors d’orfèvreries, tous exécutés par de grands maîtres et constellés de pierres précieuses.
Le nonce fit signe au jeune page gênois de se mettre en course pour guider le cortège vers les appartements et s'inclina une dernière fois face au Della Rovere alors que tout ce petit monde se mettait en branle.

... je n'ai pas à m'en vouloir de surenchérir.
Monsieur le duc, je vous souhaite une bonne journée et de bonnes audiences. Il est temps pour moi de retourner prier ! Dieu vous garde...


Et ainsi, il referma le cortège d'un pas assuré, notant au passage le nom de "Benarola" qui venait taquiner son ouïe pieuse.

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 Sujet du message: Re: La Révolte d'Urbino
MessagePublié: Janvier 27th, 2013, 11:40 pm 
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L’homme qui fit son entrée en imposait déjà de par sa prestance et sa hauteur, pas d’hésitation en cet homme sombre, il arborait une moustache impressionnante qui accentuait l’aspect sculptural de son visage aux traits figés où seuls veillaient des yeux de braise toujours en mouvement, à la suite d’une révérence appuyée mais non obséquieuse, sa voix forte résonna sous les voûtes du Palais qui parurent encore plus sombres au Duc qui pensa brièvement « quel personnage atypique et lugubre, méfiance cet homme semble être le diable en personne ! Mais sa curiosité l’emporta et d’un geste impérieux il l’invita à s’exprimer.

« Seigneur Duc D’Urbino je suis très sensible à l’honneur qui m’est fait aujourd’hui, je n’aurai jamais osé importuner votre seigneurie si l’urgence de la situation n’était pas aussi présente, aussi impérieuse. Je suis Evêque de Gênes, serviteur de notre sainteté Grégoire XIII mais plus que cela je suis un ardent défenseur de notre noble religion catholique apostolique et romaine, par ma fonction je suis homme de Dieu et c’est bien en homme de Dieu que je viens vous apporter aujourd’hui mon éclairage sur la réalité de ce qui se trame à Urbino.

Un autre geste du Duc intrigué par ce prélude l’invita à poursuivre.

« Seigneur Duc il y a quelque chose de vicié dans l’air D’Urbino, la canaille bouge et étend ses appendices comme ce monstre mythique dont on coupait une tête et qu’aussitôt dix encore plus vivaces repoussaient.
la multiplicité des lieux de parole a manifestement aidé à l’émergence rapide d’un débat public au sein de la population d’Urbino. Le premier de ces lieux est le conseil général, qui mobilise manifestement la grande majorité des habitants masculins, désireux frénétiquement de s’y rendre dès que la cloche d’appel résonne !
Qu’ils se tiennent dans le palais ou dans l’église, ces lieux de libre parole débordent toujours sur la place publique ! Cette frénésie de discussions touche l’ensemble de la population : des boutiques aux confréries, des portes de la ville aux corps de garde, de la promenade aux palais, des églises à l’évêché !
De source sûre on m’a rapporté qu’un certain Bichio, vraisemblablement un maçon, s’enfermait dans le clocher pour sonner l’appel au conseil général ! C’est sans parler de ces cris poussés par la foule pour faire pression ! La moindre rumeur, le moindre courrier venu de Pesaro semble être le signal d’un vaste rassemblement. Les élites traditionnelles d’Urbino semblent avoir toutes abdiquées, elles restent silencieuses comme prostrées. Il y a plus grave Sire, certains porteraient des arquebuses sous leurs manteaux pendant les assemblées! Et des meutes hurlantes menaceraient de jeter hors les murs les magistrats citadins. Des partisans de votre seigneurie, disent avoir été menacés il y aurait même eu des appels au massacre de tous les ‘becs jaunes’, c’est ainsi que l’on nomme les partisans de votre seigneurie.
Mais le plus alarmant et c’est pourquoi je me suis empressé de demander audience est cette nouvelle des plus préoccupantes : un projet en ce moment même serait débattu par les habitants de la ville qui qui auraient envisagé de livrer la cité à la souveraineté florentine! Des noms circulent à l’instant où nous parlons, notamment celui du Grand-duc de Toscane !

Si vous m’en donniez le pouvoir Sir Duc je me ferais fort de récolter des confessions sous la torture et de prouver l’existence de ce complot qui je crois intéressera au plus haut point sa sainteté Grégoire XIII.

J’ai ici même la copie d’un texte très violent à votre encontre d’un certain Vincenzo di Vincenzi, qui se dit guidé par volonté divine ! Un autre soulève la foule et prétend être inspiré par l’Esprit Saint !Il se serait même cousu une croix sur le vêtement, à la manière d’un drapeau !
Je vous expose donc cette réalité Seigneur Duc j’ai la certitude que cette ville est en proie aux démons, il ne s’agit plus d’une révolte devant un impôt considéré à tort comme injuste mais bien d’une fièvre démoniaque qui ravage toute cette ville et la désigne comme ennemi de notre foi et donc ennemi de toute la sainteté.

Je vous suggère Mon seigneur Duc de répondre et d’imposer le devoir d’obéissance absolu, cet acte politique qui fait de vous le seul investi d’une responsabilité face à Dieu, l’unique détenteur d’une sacralité de fait ! Et c’est en dénonçant ce complot politique et religieux que vous devez mater cette révolte, monopoliser des troupes, en exécutant très vite les principaux meneurs, en forçant de demander grâce et confessions aux autres.

Vous seul Seigneur Duc vous pouvez imposer à cette cité le temps de la confession, celui de la rédemption puis celui de la grâce ! En agissant ainsi vous pouvez être rapidement soutenu par le pape et tous ses cardinaux.

Moi, Rossano Benarola, Evêque de Gênes et serviteur du très haut, je me fais fort d’être votre bras et par là même le bras armé de Dieu face à cette rébellion inspirée par le Malin, et ainsi de porter à sa sainteté l’entière révélation de cet ignominieux complot, véritable crachat à la face du Christ ! »

Cette dernière parole prononcée encore plus ardemment que les précédentes sembla résonner à l’infini sous les arcades; l’assistance en demeurait muette, mélange d’effroi et d’étonnement, une lueur étrange s’alluma dans le regard du Duc qui dévisagea encore plus attentivement cet étrange visiteur qui lui apportait sur un plateau, de la manière la plus limpide et lucide qui soit, tous les moyens de sa propre rédemption….


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