Un large sourire barra le visage du Vénitien. Il saisit la cafetière de porcelaine.
- Bien belle oeuvre, lança-t-il.
Prise sur un navire de ces ladres de Françoys, n'est-ce pas ?Il remplit sa tasse et la but cul-sec en fixant le prince barbaresque droit dans les yeux.
- Et bien mon cher ami, vous me voyez for navré. Nous ne ferons donc point affaire... Il m'est néanmoins fort plaisant de pouvoir évoquer quelques points de théologie à vos côtés... Vostre religion me semble bien tolérante et bienveillante envers les familles épleurées des malheureux que vous retenez prisonniers. C'est une for bien belle chose ! Je vous laisse donc remettre ce brave homme à sa famille moyennant une rançon charitable revue au rabais... et je vous laisse oublier cet affaire... Vous aurez certes, au final, perdu de l'argent par rapport à ma proposition initiale mais vostre âme en sera sortie grandie et cela n'a pas de prix... n'est-ce pas ?Il se reversa une tasse de café qu'il but de nouveau cul-sec en observant Qrôh.
- Je vous remercie de ceste hospitalité, mon cher ami. Dieu puisse protéger vostre beau domaine et son amical peuple du courou de la Sérénissime... Car vous n'êtes pas sans savoir qu'il se dit que Venise compte bien restaurer le bon ordre républicain sur ses terres de dalmatie et de croatie... où règne, dit-on, une certaine activité... insurrectionnelle, ces derniers temps. Malheureusement, vous comprendrez bien que je ne pourrai vous aider au delà des armes que je vous ai déjà livrées ce jour, si la force s'abattait en ces lieux. Mais croyez bien que, par la pensée, je serai... de tout coeur avec vous...Il observa un flambeau, au mur, sur sa gauche.
- Tout cela est fort triste... Quand on songe que la seule raison eut pu tout préserver... Mais c'est ainsi, n'est-ce pas ? C'est le... comment dites-vous déjà ? Le mektoub ? Il se dressa.
- Sur ce, Messieurs, je n'abuserai point de vostre amicale hospitalité. Il me faut rentrer à Venise dans les meilleurs délai... J'ai été enchanté de partager ce succulent café avec vous. Que la main de Dieu puisse guider vos pas de façon bienveillante...Il exécuta une brève révérence et fit signe à ses homme de se préparer à repartir.
Le soir même sur son navire, il convoqua son jeune secrétaire.
- Mon jeune ami, voilà ce que nous allons faire... Nous abandonnons donc notre idée de racheter ce capitaine... Tu vas aller trouver sa famille et lui offrir l'argent qui lui manque pour sa rançon.- Un sursaut de charité chrétienne, mon Seigneur ? S'hasarda le jeune homme.
- On peut le voir ainsi... Mais on peut également le voir comme un sursaut diabolique... C'est selon qui nous jugera...Le jeune homme sourit et servit un verre de prosecco à son maître.
- Dois-je donner ordre de mettre enfin cap sur Venise ?
- Non... Non, la charité chrétienne, la vraie celle-ci, mais également les lois de l'amour universel, m'imposent de mettre cap sur la Marche d'Italie, aux environs d'Urbino...
- Devons-nous couler cette maudite galère barbaresque avant que de prendre le large ?
- Non. Fais-lui au contraire livrer une barrique de nostre plus forte grappa... Ils ne la boiront certes pas. Leur religion le leur interdit... mais il pourront au moins la distribuer aux malheureux qu'ils retiennent prisonniers dans leurs geôles...Suite : --->