Les bains occupaient le rez-de-chaussée de cette battisse, digne des plus somptueuses villas romaines, mais que les Hospitalier, dans leur chrétienne humilité, avaient baptisé Aubergerie.
On accédait aux bains, depuis la somptueuse cour intérieure, où s'épanouissait un jardin agrémenté de rosiers et de bougainvilliers. A peine avait-on franchis le patio à arcades, sur la droite, que l'on pouvait admirer une large porte de bois précieux, aux ferrures finement travaillées, qui débouchait dans la vaste salle des termes.
Des fresques en mosaïques dépeignaient de profanes scènes de bacchanales. L'eau y était chauffée par le sous-sol et du bassin centrale, s'élevaient des nuages de vapeur qui donnaient à ce lieu, pourtant vaste et suffisamment éclairé, des allures intimistes. Tout semblait avoir été étudié, par les antiques architectes, pour donner à ce lieu une utilité bien précise. Celle d'autoriser et de rendre acceptables, voire raffinées, les plus animales débauches.
Le Vénitien Arimondo ôta méthodiquement, presque religieusement, tous ses vêtements. De ses couches supérieurs faites de flamboyantes étoffes écarlates d'orient, de ses cuissardes noires et brillantes des meilleures factures milanaises, de ses chemises de lin françoys, de sa collerette démesurée, de ses ganteries et même de ses sous-vêtements taillées dans la soie Vénitienne, il se défit de tout et apparut face au bassin, dans la nudité de l'homme qui se présente à son créateur.
Ce n'était pourtant assurément pas devant son créateur qu'il se présentait ainsi, en ce mois de décembre 1572, mais bien face à quelques créatures... Des créatures, toutes aussi nues que lui. Néanmoins, il affichait la même assurance que celle qu'il aurait, dans ses mystiques fantasmes, toujours voulu afficher face à son créateur... Même nu, il tentait de conserver sa superbe et son assurance. Ce ne fut cependant pas sans certains efforts et même, pourrait-on dire, sans un certain ridicule.
Il trempa un orteil dans le bassin et se plaint de la chaleur, puis rassemblant tout son courage, mais avant tout guidé par ses pulsions, s'y laissa couler.
Quatre jeunes femmes le rejoignirent et se disposèrent autour de lui. Un large sourire lui barrait le visage. Il ne sut ni ne souhaita vraiment le contenir.
- Mes Demoiselle, mes demoiselle, je vous ai convié ici pour vous enseigner quelques utiles choses... Voyez-vous, fit-il en approchant son visage de sa compagne de droite, comme pour la mettre dans une confidence, il est certaines choses de l'art du commerce et des politiques séculières qu'il vous faut connaître... Aussi tenterai-je d'être le plus allégorique possible... Savez-vous sur quels fondements sont battis les arts du commerce ?
- Non Mon Seigneur Arimondo, dites-le nous donc, s'écria l'un des jeunes femmes...
- Vostre voix est... estrange, ma jeune amie, mais j'avoue que la nature vous a doté d'austres atours et je suis certain que l'esprit et l'intelligence ne vous font pas défaut... La curiosité est une bien belle qualité, alors je vais vous le dire... Voyez-vous, le commerce exprime sa quintessence selon certain stimulis... Pour engendrer son profit, le marché, tant en offre qu'en demande, et qui, au début, n'est jamais si exceptionnel, doit estre savamment rendu désirable, on doit alors agir sur lui avec des stimulis bien précis... En douceur, puis hardiment, puis de nouveau en douceur. Tout doit se faire au jugé et au bien senti. Et si tant bien que cela s'exécute dans les régles de l'art, tout comme mon membre, présentement, sous la douce main ordonnatrice, le marché s'édifie dans sa superbe et finit par produire une divine sève qui réjouira tous ses protagonistes... donneurs comme demandeurs...
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