Le Vénitien plissa les yeux pour retenir le profond sourire que lui inspiraient les dernières paroles de la Gênoise. Ainsi donc, cette Gênoise était plus Vénitienne qu'elle ne voulait bien le laisser paraître. Il se sentit presque étrangement rassuré et profondément heureux de cette nouvelle. Il ne savait pas encore tout ce qu'il allait pouvoir tirer de cette aide et ce n'était sans doute pas ce qui lui importait le plus. Ce qui lui importait, c'était qu'elle comptât dans sa vie. D'une manière ou d'une autre, il avait envie de la savoir jouer un rôle dans sa vie. Il ne se souciait pas de savoir lequel, bon ou mauvais, ce n'était pas son problème. Il y avait des personnes, ainsi, dans sa vie. Lorsqu'il les rencontrait, il avait envie de les faire entrer totalement, envie de les laisser compter. Il se dit qu'elle en faisait partie et cela décupla son envie de jouer...
- Un Palazzo, dites-vous... Des tresors vénitiens... Vous voilà donc à mes yeux Vénitienne et cela nous honorerait, croyez-le bien, d'avoir une Dame telle que vous pour veiller sur les nuits, toutes à la fois fastueuses et débauchées, de notre belle cité... Je tenterai de ramener ces possessions dans votre gyron, non pas pour en tirer profit de pouvoir ou financier, que sais-je... non... mais surtout, je crois, pour jouïr de votre... présence, dans ma ville...
Tirant une chaise, il s'assit tout près d'elle.
- Cela aussi, c'est Vénitien, fit-il en caressant délicatement l'étoffe de sa robe, au niveau de ses cuisses. Cela ne trompe pas. Cette douceur, cette texture ferme et voluptueuse à la fois. Une promesse qui laisse joliment entrevoir ce qu'elle cache... laisse présager des trésors de playsir. Laissez-moi deviner, poursuivit-il en exerçant une légère mais ferme pression sur sa cuisse, comme pour chercher quelque chose, je suis certain que votre jarretière est assortie à votre robe... me trompé-je ?
Il souriait largement.
- En effet, vous avez tout d'une vénitienne, ma chère...
Il s'interrompit pour remplir de nouveau sa coupe de cristal...
- Mais revenons à l'histoire qui vous préoccupe tant. Mon Sieur votre père... Certes nous combattrons son régime de terreur avec nos armes qui sont de stratégie, de jeux de pouvoir et de pressions. En cela, j'ai des procédés éprouvés... Mais il faudra agir, sur le terrain, également, et vite... Dans les prochains jours, si l'émeute éclate, je devrais déléguer sur vos terres quelques troupes, des chariots, peut-être un ou deux navires de transport pour les vivres. Concrètement, cela veut dire qu'il me faudra, pour mes hommes et mes affaires, des engagement écrits sous la forme de laisser-passer portant votre sceau et autorisant notre commerce. On dit que vos sols sont ferreux... Mes hommes viendront officiellement pour bâtir des mines. Ils le feront. Cela vous sera profitable à l'avenir... Mais il construiront également sous cette couverture minière, des abris pour accueillir les familles exilées d'Urbano... Se faisant, il va falloir que je prévienne mon jeune secrétaire afin qu'il distribue mes ordres... Mais si vous voulez bien, ne le rappelons pas tout de suite... Je pense qu'il a mieux à faire, pour l'instant, à éclairer votre bon secrétaire sur les playsirs de la créations, fussent-ils contre nature...
Il s'humecta les lèvres de proscecco puis il sembla, de son doigt, dessiner un symbole infini sur le ventre de Fiorenza. Il l'effleurait lentement et avec naturel, tout en parlant.
- Je sens beaucoup d'humeurs sombres, faites de peurs accumulées, de funestes souvenirs, de terreurs d'avenir, en cet endroit... et voyez-vous, c'est fort triste... Ce lieu doux et rond devrait au contraire accueillir vos espoirs et vos rêves d'avenir... Apaisez-vous Ma Dame... Nous élaborons ici même les solutions à votre problème. Et ce ventre enfantera un jour ce que vous aurez choisi d'enfanter. Et nous ferons en sorte que ce choix, toujours, ne revienne qu'à vous. Vous seule... Vous semblez me prendre pour un rêveur utopique mais croyez-moi, c'est un sens pratique qui me maintient en vie et m'a conduit où je suis aujourd'hui... Nous ne construirons point Utopia, certes, mais nous sauverons des vies. Et vous fonderez un domaine riche et prospère où vos gens s'épanouiront. Vous serez aimée comme vous le méritez. En cela, je puis vous aider. Mais concernant la jarretière, je suis prêt à parier qu'elle est assortie à votre robe... Faut-il que je vérifie par moi-même, ici, pour le plus grand playsir dissimulé de ce vieux vicieux de Metternhoven qui nous observe là bas, du coin de l'oeil ? Ou devrais-je attendre ce soir, dans vos appartements ?
Il descendit sur sa jambe jusqu'à la cheville, la saisit à pleine main, exerçant une légère pression, sans s'attarder, fit mine de remonter sous sa robe puis s'arrêta net et se redressa. Il lui pris alors la main d'une manière à la fois tendre et bienveillante, d'une façon qu'il voulait rassurante.
- Nous ferons en sorte que ce choix, TOUJOURS, ne revienne qu'à VOUS. VOUS SEULE... Ce choix et tous les autres. Et ce, dans tous les domaines de votre vie, Ma Dame. Cela dit, si vous concédiez à me laisser observer cette jarretière, ici même, croyez-bien que je ne serais pas le seul homme heureux... Et qui sait, cela nous rapporterait peut-être d'inattendus soutiens... Conclut-il en riant et lançant sa tête vers Metternhoven...
_________________
|